Les yeux rivés sur sa coupe, Christophe Drivere ajuste en permanence la hauteur et la correction de dévers de sa barre de coupe. « Le but est de prendre le moins possible de tige, tout en laissant un minimum de graines dans la parcelle », nous explique l’agriculteur, installé à Orvillers-Saint-Julien, dans l’Aube. Ce céréalier cultive environ 50 ha de chanvre et en récolte pas loin du double en réalisant de la prestation de services. Cette culture, qui peut dépasser 3 mètres de hauteur, est cultivée pour sa graine et sa tige. Cette dernière servira notamment à réaliser des cordes ou du textile.
Sa principale qualité, la résistance de la fibre, devient vite l’ennemie de la moissonneuse-batteuse lors de la récolte. Il faut éviter au maximum l’enroulement des tiges à l’intérieur comme à l’extérieur de la machine. Il est donc nécessaire de moissonner le minimum de la plante et, si possible, uniquement la partie contenant des graines. « Comme nous fauchons au plus haut, il est inenvisageable de travailler avec les palpeurs de la coupe dans le chanvre. Ils sont d’ailleurs repliés », poursuit-il.
Un col-de-cygne
L’agriculteur utilise une New Holland CR 9.80, une non-conventionnelle réalisant le battage et la séparation du grain avec deux rotors axiaux. C’est sa deuxième machine de ce type. Elle succède à une New Holland CX 8060, un modèle à secoueurs. « Plus la cinématique est simple et mieux elle passera dans le chanvre. »
Christophe a modifié sa machine afin d’intervenir dans cette culture complexe. Parmi les différents accessoires ajoutés, le plus visuel est un système de col-de-cygne placé entre la coupe et le convoyeur. Réalisé artisanalement, il a pour but de rehausser la hauteur maximale de fauche de la barre de coupe. Ainsi, les sections de coupe sont capables d’atteindre 2,10 m.
Lors de notre passage, l’agriculteur évoluait dans une parcelle grêlée. Le chanvre ne dépassait pas 1,80 m. Cependant, la veille, il se trouvait dans une parcelle où les tiges avoisinaient 3 mètres de hauteur. Dans ce cas, le dispositif prend tout son sens pour limiter les quantités dans la machine. Afin de faciliter l’écoulement du flux entre la vis sans fin de la coupe et le convoyeur, un rouleau est placé dans le col-de-cygne. Il est entraîné par la sortie droite du convoyeur. Le col-de-cygne a également une seconde fonction, celle de canaliser le flux de récolte au centre du convoyeur. Le but est d’empêcher que les tiges viennent s’enrouler sur les chaînes et barrettes extérieures. « Ce sont des zones où il est important d’éviter le passage de matière », explique Christophe.
Pour protéger l’extérieur de la machine, plusieurs dispositifs de « blindage » ont été rajoutés. Ainsi, des tôles de protection en forme de chevron sont placées devant chaque roue avant pour coucher les tiges avant les passages de roues. En outre, plusieurs tôles de protection prennent place sous le convoyeur et au niveau de l’essieu avant. Elles protègent la boîte de vitesses et les arbres de transmission. Des systèmes de protection sont également placés sous le retour à ôtons.
Des réglages ajustés
Christophe ajuste également les réglages internes de sa machine. « Le chanvre est une plante qui se bat très facilement », précise-t-il. La vitesse des rotors est abaissée à 390 tr/min et les contre-rotors sont ouverts au maximum. Christophe est équipé du rouleau DFR (Dynamic Feed Roll), chargé d’alimenter au mieux les rotors. Il est de série uniquement sur le plus gros modèle du constructeur. « C’est une option sur ma machine, mais elle est indispensable pour battre le chanvre », conseille Christophe. Au niveau du broyeur, les contre-couteaux sont escamotés. « Je préfère broyer, plutôt que de laisser en andain. La répartition de ce qui sort est meilleure et facilite le rouissage. » Par ailleurs, les éparpilleurs à menu paille sont arrêtés.
Outre des modifications et des réglages ajustés, l’agriculteur réalise des vérifications quotidiennes de certains points clés pendant la saison de battage du chanvre, comme sur le convoyeur et le rouleau DFR par exemple. Elles ont pour but d’éviter ou de détecter une accumulation de matière.
Texte et photos Pierre Peeters