Depuis le début du mois de juillet, la sécheresse inquiète les éleveurs, comme les producteurs de grandes cultures. Alors que la solidarité s’organise autour du transport de fourrage depuis plusieurs semaines, les mesures de soutien ont été annoncées au compte-gouttes tout au long de l’été par le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume. Les premières autorisations pour utiliser les jachères pour les animaux ont été accordées le 1er juillet. Au total, depuis le 21 août, soixante-neuf départements sont visés par cette mesure exceptionnelle. Sans déroger à l’obligation de semis des cultures intermédiaires (Cipan), les dates limites d’implantation ont été aménagées, à condition d’en faire la demande individuellement à la direction départementale des territoires (DDT).
Dès le mois d’avril, la FNSEA a sollicité les services des chambres d’agriculture pour préparer la mise en place d’actions de solidarité fourrage. Au 29 août, quarante départements étaient demandeurs de paille et vingt offraient de la marchandise (lire l’encadré ci-contre). Une opération a également été menée par la Coordination rurale dans le Lot-et-Garonne. « Je veux saluer la grande solidarité de nouveau observée en 2019. On a vu beaucoup de céréaliers dételer leur broyeur de paille. Cette dernière se négocie entre 100 et 130 euros la tonne », commente Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA chargé du dossier.
Des mesures financières
Durant le mois d’août, le ministre a rappelé que les demandes individuelles de reports ou d’allégements des cotisations sociales auprès des caisses de la MSA sont possibles. Une enveloppe de 15 millions d’euros par semestre est allouée tous les ans au fonds d’action sanitaire et social de l’institution.
Didier Guillaume a confirmé que les exonérations d’une partie de la taxe sur le foncier non bâti (TFNB) seraient mises en place automatiquement « lorsque les taux de pertes seront transmis à la direction départementale des finances publiques ».
Concernant le déclenchement du Fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA, ex-Fonds des calamités), permettant d’indemniser les pertes de fourrage, le premier comité d’examen des dossiers départementaux se tiendra en décembre. Cela laisse espérer le paiement des premiers acomptes au début de l’année 2020. Depuis 2011, uniquement les prairies sont couvertes pour les pertes de récoltes par le FNGRA. Pour les céréaliers, seule l’assurance récolte permet donc d’espérer une indemnisation (lire le témoignage), alors que seulement 30 % des surfaces sont couvertes par un contrat.
Adapter les outils
Toutes ces mesures ont fait leurs preuves, mais ne semblent plus adaptées à l’intensité et à la fréquence des aléas que subissent les exploitations. Le manque de réactivité des outils a été souligné à plusieurs reprises. « Les éleveurs ont besoin de mesures concrètes, applicables dans les plus brefs délais », plaidait Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), auprès de Didier Guillaume, le 4 septembre. Il estime, tout comme la Coordination rurale, que les négociations menées par le ministre sur la fauche des jachères et les retenues collinaires sont insuffisantes, et craint une « décapitalisation des troupeaux dans un contexte où le marché de la viande est saturé ».
De plus, les entreprises agricoles sont aujourd’hui moins spécialisées pour mieux faire face aux aléas. Les critères d’accès au FNGRA ne tiennent pas compte de cette réalité, ce qui exclut nombre d’élevages. C’est ce que dénonçait, dès l’automne de 2018, la FNSEA, demandant au ministère d’adapter les critères d’accès au fonds. Depuis, ce dernier a ouvert une consultation sur l’amélioration des outils de gestion des risques. La Confédération paysanne et la Coordination rurale considèrent que l’assurance n’est pas une solution durable et qu’il est préférable de miser sur la prévention. Tous les syndicats estiment que l’assurance récolte ne doit pas être obligatoire. Ils sont invités à rendre leurs recommandations à la mi-septembre. Espérons qu’ils réussiront à faire passer le message.
Marie Salset