Les résultats du réseau Performance (voir encadré p. 59) encouragent, une nouvelle fois cette année, à préconiser de diversifier les modes d’action avec pas plus d’un prochloraze, d’une strobilurine, et d’un carboxamide (SDHI) par campagne. Autre règle à suivre : l’alternance des IDM (triazoles) au cours de la saison, en évitant d’utiliser deux fois la même matière active.
Le programme fongicide à un, deux ou trois applications peut d’ailleurs être adapté en fonction de l’année et de la région dès la morte saison. L’indicateur régional de risque, mis au point par Arvalis pour permettre d’adapter son programme au traitement envisagé, montre, par exemple, que la région Champagne est une zone où la nuisibilité reste modérée quel que soit le profil de sensibilité de la variété. à l’inverse, la Bretagne et la Basse-Normandie présentent un niveau de nuisibilité moyenne très fort.
En présence de rouille jaune seulement, les triazoles au T0 (épi 1 cm), éventuellement complété d’une strobilurine, sont très satisfaisants. Mais il faudra prendre garde au délai entre deux interventions en cas de forte pression, car l’efficacité ne dépasse alors pas vingt jours.
Au sujet du T1, premier traitement fongicide du blé tendre, réalisé entre un et trois nœuds, les triazoles associés au chlorothalonil, fongicide multisite qui présente un risque de résistance limité, sont recommandés contre la septoriose. Si un traitement était nécessaire contre le piétin-verse, Arvalis conseille de combiner métrafénone et cyprodinil.
En revanche, l’institut s’est interrogé sur l’intérêt du T1, qui a habituellement pour cœur de justification la septoriose. En effet, le risque rouille jaune peut généralement être contrôlé par l’utilisation de variétés résistantes ou, dans certaines situations particulières (bordure maritime et forte pression), géré par une intervention spécifique (T0) avant le stade traditionnel de deux nœuds. De plus, si autrefois le T1 était synonyme de protection contre le piétin-verse, ainsi que l’oïdium, les variétés sont désormais plus résistantes. Ces deux maladies sont moins présentes, justifiant moins de traitements. « étant donné que, sur ces cinq dernières années, nous avons eu des printemps plus secs - peut être sous l’effet du changement climatique - nous pouvons nous questionner sur l’intérêt économique du T1 », considère Arvalis.
Un T1 tout juste rentable
Ainsi, l’institut a démontré (deux cent cinquante comparaisons de 2013 à 2018) que sur les deux ou trois applications de fongicides sur le blé tendre, la portée technique et économique du T1 est la plus faible. Avec une contribution moyenne de 2,2 q/ha, en tenant compte du coût des fongicides et d’un prix du blé à 16 €/q, le T1 ne serait rentable que dans 41 % des cas. Il générerait, en moyenne, une perte économique de 0,4 q/ha net. « En faisant un calcul, on est tout juste au seuil de rentabilité : cela signifie que, globalement, on paye le traitement, relève Claude Maumené, ingénieur de recherche chez Arvalis. Le T1 du blé est donc celui qui contribue le moins au rendement, et présente le moins de risque si l’on doit faire une impasse ou lui substituer du biocontrôle. Néanmoins, sa participation à l’IFT est significative puisqu’elle peut atteindre 45 % de l’indicateur global. »
Les facteurs significatifs influant (hors climat) sur le poids du T1 sont le stade de réintervention du T2, la région, la date de semis, la sensibilité variétale, et la présence d’autres maladies que la septoriose. Il semble donc possible de minimiser le poids du T1, au point de s’en affranchir plus ou moins systématiquement selon les régions et les années, en jouant sur la date de semis (après la mi-octobre) et la sensibilité variétale (> 6). En revanche, pour le T2, il faudra intervenir dès le stade dernière feuille étalée. S’il faut adapter la protection à la variété et à la pression de l’année, il est conseillé d’agir au T1 que si nécessaire.
Un SDHI au T2
Du côté du T2 (dernière feuille au stade épiaison), Arvalis rappelle qu’en complément des triazoles, les SDHI et/ou les strobilurines trouvent leur place. L’institut ajoute, qu’au nord de Paris, un second chlorothalonil est possible en complément de certains SDHI (bifaxen, penthiopyrade, benzovindiflupyr). à condition que le T1 à base de chlorothalonil soit bien positionné et que les délais entre les deux interventions ne dépassent pas vingt et un jours. Dans le Sud-Ouest et sur la bordure atlantique, Arvalis conseille l’ajout de prochloraze au triazole, car il peut constituer une alternative aux SDHI en T2.
Par contre, dans les cas où la rouille brune est la préoccupation majeure, l’adjonction d’une strobilurine est proposée (de 0,2 à 0,3 l/ha), sauf si une spécialité à base de benzovindiflupyr est choisie en T2.
Au T3 (début floraison), si l’objectif de qualité sanitaire est prioritaire, un triazole anti-fusarium seul (prothioconazole , tébuconazole, metconazole et bromuconazole) est à privilégier. Si Swing Gold (dimoxystrobine) ou Fandango S (fluoxastrobine) sont une autre option, il faudra éviter l’azoxystrobine et la picoxystrobine. « Pour privilégier le rendement, une association triazole + strobilurine sera proposée à la floraison, à la dose recommandée de 0,2 à 0,3 l/ha de strobilurine », estime l’institut.