« Nous avons voulu nous donner les moyens de faire vivre le système de nos aïeux avec la vache du pays dans des conditions adaptées à notre époque », expliquent tout sourire Guillaume Rongier et sa compagne et associée, Mathilde Bernard, installés avec 70 vaches salers inscrites et 116 ha tout en herbe, à Moussages dans le Cantal.
Dès l’enfance, Guillaume a voué une passion pour la race salers en système trait qui l’a conduit à fréquenter assidûment des éleveurs de son voisinage. Son père, Christophe, installé en 1984 avec 25 ha et 25 vaches, avait arrêté de traire en 1998. Lorsque Guillaume s’installe en 2009, l’exploitation compte 50 vaches salers allaitantes conduites à 50/50 en race pure et croisement. Le jeune homme est déterminé sur ses objectifs : travailler en race pure sur des souches de Gilles Besson, éleveur salers devenu « son mentor professionnel » et traire à nouveau « cette race rustique porteuse d’avenir ».
Soutenu par son père, il acquiert des droits à produire et 25 ha supplémentaires en 2010. Le lait de 25 vaches est livré à partir de 2011 à la Coopérative de Saint-Bonnet-de-Salers jusqu’au démarrage de la transformation fromagère en 2019. Le troupeau trait augmente progressivement jusqu’à l’effectif d’aujourd’hui. Mathilde, dont les parents sont maraîchers et éleveurs-sélectionneurs de salers dans le Finistère, croise le chemin du Cantalien en présentant un taureau au Salon de l’agriculture à Paris. La jeune femme, très motivée par la fabrication fromagère, est salariée sur l’exploitation en 2020 avant de s’associer avec Guillaume au départ en retraite de son père en 2022.
Conçu pour 2 UTH
« Le système traditionnel salers conduit en étable entravée, est exigeant en travail et en manipulations, rappellent les éleveurs. La traite mobilise deux personnes pour la conduite des veaux à leurs mères, l’amorçage de la traite suivi de leur attache à la patte avant gauche des mères. Nous avons raisonné la conception de notre bâtiment tout en bois en fonction de ces impératifs. »
Le bâtiment en double partie compte ainsi une stabulation libre (60 m x 30 m) de 70 places sur aire paillée et 10 parcs consacrés aux vêlages et aux veaux. Dans sa continuité, une étable entravée de 65 places (42 m x 11 m) est réservée à la traite. Vaches et veaux y sont conduits deux fois par jour. Les huit postes à traire sont déplacés le long d’un rail au lieu d’être portés. La fromagerie prolonge le bâtiment. La gerle recevant le lait est sur roulettes, toujours dans un souci de limiter les charges à porter. « Nous comptons de 1h35 à 1h45 de temps de traite matin et soir. Le temps de fabrication varie selon la saison et le type de fromage. » L’investissement total est de 680 000 € subventionné à 42,5 %.
Avec des vêlages d’hiver, les éleveurs transforment 100 % du lait entre le 15 février et 30 septembre. Ils fabriquent 2 ou 3 tonnes de Salérac, une tomme pressée non cuite de 800 g vendue en blanc à la Maison Marie Séverac. « Ce petit fromage, fabriqué une fois par jour, est intéressant durant les deux premiers mois de lactation, précisent Guillaume et Mathilde. À partir du 15 avril, nous passons en fabrication de Salers Tradition AOP. Ce fromage ancestral se présente en meules de 35 kg en blanc, vendue à l’affineur Marcel Charrade. Le cahier des charges exige deux fabrications quotidiennes. »
Cohérence économique
Le lait d’hiver est valorisé à 1 100 € la tonne et celui d’été transformé en AOP à 1 400 €/t. La production de Salers Tradition avoisine 10 tonnes par an. « Nous valorisons une double production de lait en fromages et de veaux selon un système logique sur un plan zootechnique, précisent les éleveurs. Les vaches sont en pic de lactation lorsqu’elles sont à l’herbe. Les veaux sont nourris du lait de leur mère à raison de 900 litres par lactation. Nous leur réservons le lait en fin de période pour leur alourdissement. ». Le couple envisage de transformer l’ancienne fromagerie en cave d’affinage pour vendre une partie de leur production en direct. « Nous avons à cœur de communiquer en direct sur la race salers et le savoir-faire qui va avec (1). »
(1) Voir aussi leur page Facebook « Élevage Salers Gaec Rongier-Bernard ».