« Nous avons toujours cherché à gagner en autonomie sur l’exploitation et à faire en sorte que chaque activité fonctionne en synergie avec la suivante », explique Sébastien Manscourt. Avec sa sœur, Delphine, et son beau-frère, Christian, il a pris progressivement le relais de leur oncle et de leurs parents dans le Gaec familial à partir de 1999. Si la génération précédente utilisait la totalité des céréales produites sur l’exploitation pour l’élevage naisseur-engraisseur de porcs, les trois associés ont franchi une étape supplémentaire. « Nous avons investi dans un méthaniseur en 2014, pour mieux valoriser le lisier des porcs, poursuit l’agriculteur de Hartennes-et-Taux, dans l’Aisne. Le biogaz produit est transformé en électricité revendue à EDF, et en chaleur pour les bâtiments d’élevage et les serres qui accueillent surtout des fraises. Le digestat qui reste à l’issue de la méthanisation retourne au champ et nous permet de réduire nos achats d’engrais de synthèse. Le tout correspond au concept d’économie circulaire. »

Un atelier d’insertion
Sur les 100 hectares de grandes cultures que compte l’exploitation, seule la production des 20 ha de betteraves est commercialisée à l’extérieur. Pour nourrir les 250 truies et les porcs à l’engrais, le Gaec a besoin de 2 000 tonnes d’aliment par an. Les 600 à 700 tonnes d’orge, blé et pois protéagineux produites à la ferme sont complétées par des achats de céréales, soja, pulpes de betteraves et autres sous-produits des industries agroalimentaires locales. « Le lisier et le fumier générés par l’élevage représentent entre 65 et 70 % des intrants du digesteur, précise Sébastien Manscourt. Le reste provient de déchets verts essentiellement de l’agroalimentaire. » Au total, le méthaniseur fonctionne avec 26 000 tonnes d’intrants par an.
À l’économie circulaire, les trois associés ont ajouté l’économie solidaire. Ils ont été à l’origine de la création, en 2017, de l’association Les Ateliers de Taux, qui s’est développée autour du recyclage des produits agroalimentaires. Ils l’accueillent dans un petit corps de ferme racheté à un voisin. Aujourd’hui, l’atelier fait travailler quatorze personnes en contrat d’insertion et traite des déchets emballés, dont 800 tonnes de denrées périssables valorisées par le méthaniseur de la ferme.

Des fraises et des légumes
L’atelier de production de biogaz fournit annuellement 20 000 tonnes de digestat. Épandu sous forme liquide dans les parcelles proches et déshydratée pour les plus éloignées, son volume permet aux agriculteurs d’économiser l’équivalent de 12 tonnes de solution azotée par an.
Troisième pilier de l’exploitation : la production de fraises (15 t par an). Elle a été complétée, il y a deux ans, par celles de tomates et de courgettes sous serres, et de légumes de plein champ. « En fraises, nous avons opté à 90 % pour la variété mara des bois, raconte l’agriculteur picard. Elle a un goût qui nous plaît et elle nous permet de nous différencier sur le plan commercial. Nous valorisons pratiquement la totalité de la production en direct, à la ferme, chez des commerçants et des restaurateurs locaux, dans le réseau La Ruche qui dit oui… et, depuis cette année, dans le nouveau magasin de producteurs que nous avons ouvert à Soissons (lire l’encadré). Nous avons introduit les légumes sur l’exploitation pour diversifier notre offre dans la boutique. » Une petite partie des fraises est transformée en jus de fruit pasteurisé et en confitures.
Booster la production d’électricité
Sébastien Manscourt et ses deux associés ont encore beaucoup de projets en tête. Ils vont faire passer la capacité de production d’électricité de leur installation de 250 à 530 MW dans les prochains mois, et sont en train de s’équiper d’une chambre froide pour les fraises et les légumes. Ils testeront cette année le maïs humide et la luzerne pour l’alimentation des porcs, et ont prévu de construire un nouveau bâtiment afin de passer une partie de leur élevage sur paille. Les membres du Gaec ont également monté un petit pilote d’élevage de poissons en aquaponie. Ils ne manquent décidément pas d’idées.
Blandine Cailliez