«La frontière est à 500 mètres, mais nous ne la percevons plus, note Vincent Christin, éleveur laitier à Saint-Jean-de-Gonville (Ain). Nous vendons lait, viande et céréales en Suisse sans droit de douane, ni TVA. Ce qui change, c’est la différence de mentalité : les Suisses ont tendance à considérer les échanges de façon unilatérale. Ce qui complique parfois les discussions. »
Président de la coopérative gessienne, la structure qui rassemble les producteurs du pays de Gex commercialisant avec la Suisse, Vincent Christin a vendu son lait en 2017 à un prix de 393 € les 1 000 litres (qualité comprise pour une matière sèche utile (MSU) de 72,5 g/kg). Bien au-dessus du prix hexagonal. « L’écart avec la France était maximal dans les années quatre-vingt-dix quand le litre était payé 3,20 francs français ! »
Label « Suisse garantie »
Vendre en Suisse reste intéressant malgré les variations du taux de change (+ ou – 10 centimes d’euro d’une année sur l’autre) et le nécessaire respect des normes helvétiques.
Le lait est vendu aux Laiteries Réunies de Genève, entreprise suisse dirigée par un Français et dont le conseil d’administration compte quatre agriculteurs français. Depuis 2015, il est produit dans le cadre du cahier des charges « Suisse garantie ». « Nous sommes soumis aux mêmes astreintes et aux mêmes contrôles que nos collègues helvétiques : alimentation non OGM, présence de quatre cultures minimum dans la rotation, bandes enherbées le long des fossés, chemins et ruisseaux, etc. », précise Vincent Christin. Des analyses de terre doivent être fournies pour l’ensemble de l’exploitation et le bilan fumure est contrôlé par un organisme certificateur suisse.
Un second supervise les conditions d’élevage. Pour tenir compte du parc bâtiment existant, les Français sont parvenus à négocier certains points, tels que la largeur des places des vaches au cornadis : 0,70 m contre 0,90 m pour la Suisse. « La grille de pénalités est en cours de négociation car, contrairement à nos collègues helvétiques, nous ne bénéficions pas des compensations fédérales. Nous percevons de la laiterie un bonus de + 2,6 centimes d’euro par litre de lait », poursuit l’éleveur.
La proximité avec la Suisse n’a pas freiné la déprise laitière. « Beaucoup d’exploitations se sont reconverties dans l’activité hippique. D’ici dix ans, nous ne serons plus que 20 producteurs laitiers contre 70 dans les années quatre-vingt-dix. »