De la même façon que l’on peut désormais se passer des agences de voyages pour acheter son billet d’avion, se passera-t-on des organismes stockeurs pour acheter ses intrants ? De plus en plus de sites d’e-commerce proposent une large gamme d’agrofournitures à des prix attractifs, permettant aux agriculteurs – moyennant une connexion à Internet (!) – de commander en ligne à n’importe quelle heure et d’être livrés directement chez eux.

Un marché à percer

Ces nouveaux acteurs du commerce agricole chamboulent la distribution classique, même si leur part de marché reste encore limitée et si, pour l’instant, peu de sites peuvent se targuer de proposer une gamme complète d’intrants, et notamment de phytos. Mais dans un marché français des agrofournitures estimé à 40 milliards d’euros, de réelles opportunités s’offrent pour l’e-commerce agricole.

Voilà déjà quelques années, plusieurs entreprises spécialisées dans la vente de produits agricoles à distance ont pris en marche le train du digital en créant des plateformes d’e-commerce, à l’instar des sociétés bretonnes Adiel, Vital Concept et Agrileader, cette dernière possédant plusieurs points de vente répartis sur le territoire national. Les sites Fertitrade et Agrifournitures, eux-mêmes fabricants d’engrais au départ, proposent également des semences, tandis que la plateforme d’achats groupés Larécolte se lance sur le créneau des intrants.

Mais récemment, de nouvelles start-up ont rebattu les cartes de la distribution en se revendiquant avant tout comme expertes dans le digital : pas de stocks, mais une logistique très étudiée, permettant d’optimiser le transport des produits pour toute commande sur le territoire national. L’on peut citer Agriconomie (créée en 2014), Meshectares (2015) ou encore Comparateur agricole (2016). « Nous nous déployons en parapluie au-dessus des différents acteurs », résume Gaétan Fleury, fondateur de Meshectares.

Face à cette concurrence, les acteurs traditionnels sont poussés vers le digital, l’innovation, la différentiation. Plusieurs coopératives ont ainsi créé leurs propres sites de vente en ligne pour leurs adhérents. « Dans quelques années, 10 à 15 % du marché des intrants vont être digitalisés », prévoit ainsi Cédric Monavon, directeur d’Agrifournitures. L’arrivée des sites d’e-commerce pourrait aussi accélérer la séparation du conseil et de la vente, une ambition à nouveau évoquée par Emmanuel Macron.

Les agriculteurs adeptes du e-commerce évoquent un désir d’indépendance, qui a cependant un prix : la crainte, parfois, de la réaction des coopératives à qui ils livrent leurs grains. Bousculés sur leur terrain, les acteurs de la distribution n’ont pas pour autant tout à perdre. « Nous travaillons en partenariat avec 38 coopératives et négoces, qui nous fournissent la majorité des intrants », indique Gaétan Fleury.

Même son de cloche chez Agriconomie, pour qui un tiers des fournisseurs sont des organismes stockeurs. Pour Paolin Pascot, son PDG, la généralisation de la vente en ligne ne fait pas de doute. « D’ici quelques années, tous les agriculteurs achèteront en ligne, et y réaliseront 10 à 20 % de leurs approvisionnements », affirme celui qui, il y a trois ans, a cofondé une société qui revendique aujourd’hui 12 000 clients et emploie 55 personnes.