Avec seulement 120 000 l de lait standard en filière longue, Jérémy Tarayre a choisi de ne « pas faire la course à la production mais celle au coût de production ». D’abord par nécessité, puis par défi. « J’ai repris une exploitation économiquement saine mais je n’avais aucun apport financier. Je devais constituer une trésorerie, un cheptel, un stock de fourrages. J’ai serré les vis partout. Les vaches produisaient quand même, alors je me suis pris au jeu. »
Changement de scénario
Ce n’est pas le scénario prévu lorsqu’il s’installe « hors cadre » en 2010 sur l’exploitation de Roger, à Castelnau-Pegayrols, dans l’Aveyron. Vingt-cinq vaches laitières pour 90 000 l de quota, et une douzaine de vaches allaitantes sur 70 ha d’herbe. Dès 2011, Jérémy arrête la viande et se concentre sur le lait. Préparant la fin des quotas, les vannes sont grandes ouvertes. Son PDE, réalisé dans le cadre d’un parcours à l’installation classique, prévoit d’augmenter progressivement jusqu’à 240 000 l, et les investissements qui vont avec (salle de traite, etc.). Il change de cap dès la première année.
« En étudiant la comptabilité de Roger, j’ai vu que la ferme était déjà viable, explique-t-il. La frilosité des banques, qui ont déjà financé mon installation, m’a aussi incité à limiter mes investissements. » Il passe au plan B : compresser ses coûts, en commençant par l’alimentation. Il n’a pas de quoi acheter d’aliment à l’extérieur et préfère réserver ses céréales aux vaches (500 kg par tête). « Je n’ai pas donné de concentré aux génisses et ça s’est très bien passé, donc j’ai continué. Cela m’évite d’investir dans du matériel ou de passer trop de temps à distribuer manuellement le concentré. » En contrepartie, l’herbe doit être finement gérée. A 900 m d’altitude, les vaches hivernent à l’attache dès la mi-novembre. Elles ressortent dès que la météo l’autorise, pour « ne jamais être dépassé par la hauteur d’herbe ».
Arrivée en rythme de croisière, rentable, l’exploitation pourrait aujourd’hui investir pour augmenter sa production. « On ne change pas un système qui marche », tranche Jérémy, qui tient aussi à rester autonome vis-à-vis des banques. « Je veux rester chef de la situation. » Ce qui ne signifie pas être isolé : « C’est grâce à mon environnement que tout se passe bien : les réseaux d’élevage, la Cuma, la chambre d’agriculture, la famille, les voisins et Roger, qui est toujours là. »
L’atelier ne grossit pas mais évolue. Depuis 2015, Jérémy teste un croisement trois voies pour gagner en rusticité. Il espère « faire autant de lait avec moins de frais vétérinaires et de reproduction ». Les premières génisses croisées vêleront en 2018. Au bout du compte, il chiffre le potentiel d’économies entre 4 000 et 5 000 €. « Être économe est un engrenage : il y a toujours des euros à récupérer quelque part ! »