« Mieux connaître la biologie des adventices permet de bâtir des stratégies de lutte efficaces », soutient Bastien Boquet, d’Agro-transfert. Il est intervenu en septembre dernier lors de la restitution du projet Adventurh, mené entre 2020 et 2024 dans les Hauts-de-France. Une forte persistance des semences de mauvaises herbes dans le sol est générée par une forte production de graines sur la plante mère, une faible perte de viabilité au cours du temps et une forte dormance couplée à un faible taux de germination.
« Fort heureusement, chaque adventice a un point faible », remarque-t-il. Celui du vulpin des champs, par exemple, est la forte mortalité de ses graines dans le sol. Son taux annuel de décroissance (TAD) atteint ainsi près de 70 %. Ce point faible est toutefois contrebalancé par sa capacité à produire beaucoup de graines par plante (jusqu’à 2000) et à germer jusqu’à 6-7 cm de profondeur.
Impact de la météo
« La dormance des graines de vulpin est conditionnée par leur maturation sur la plante mère », révèle Bastien Boquet. La germination varie ainsi de 38 à 70 % selon les conditions météo dans lesquelles les graines ont été produites, entre la mi-mai et le début de juillet. « S’il fait chaud et sec à cette période, il y aura moins de dormance après la moisson, donc davantage de plantes vont germer après les faux semis », détaille-t-il.
À l’inverse, si le temps est frais et humide, la dormance primaire va être prolongée et pourra être levée seulement un mois à un mois et demi plus tard. Le travail du sol post-moisson sera alors probablement moins pertinent. « Nous conseillons toujours d’assurer un intervalle de trois semaines entre le dernier travail du sol post-moisson et le semis, pour s’assurer que toutes les plantes en capacité de germer aient bien germé au moment du passage du semoir, indique Bastien Baquet. Si cet intervalle n’est pas respecté, ce qui reste encore fréquent dans certaines parcelles, le risque est d’observer une levée massive de vulpins dans le blé semé. L’objectif est de permettre à la culture de s’implanter avant l’apparition des adventices. »
Épaisseur de la paroi et survie
La grande force du chénopode blanc est sa forte production de graines, de 500 jusqu’à 6 000 par plante. Et plus la biomasse de l’adventice est élevée, plus cette production est importante. Les graines petites et rondes du chénopode blanc, avec une paroi de 72 μm (contre 55 μm pour le vulpin), peuvent rentrer facilement dans le sol, avec une forte persistance (TAD de seulement 35-50 %).
Mais le point faible de cette dicotylédone est qu’elle ne germe pas en profondeur (2 cm au maximum de l’horizon travaillé). Les semences manifestent une dormance importante à maturité et ne germent qu’en présence de lumière. Les akènes noirs seraient beaucoup plus dormants que les bruns. La forte viabilité des graines dans le sol rend très difficile l’épuisement du stock semencier de chénopodes. Le labour ne présente pas d’intérêt mais les faux semis réalisés au printemps seront potentiellement efficaces. Les déchaumages répétés en interculture peuvent réduire le stock de graines.
Le datura germe en profondeur
La profondeur d’émergence a aussi son importance sur l’infestation des adventices. Ainsi, plus le poids de la graine augmente, plus elle va pouvoir germer en profondeur. Par exemple, le datura stramoine, adventice estivale à préoccupation grandissante ayant une graine lourde (6-8 mg), pourra germer jusqu’à 15 cm de profondeur. Il possède une forte viabilité et une grande dormance si bien qu’il ne germe que si les conditions sont réunies. Du fait du faible TAD du datura (10-30 %), le labour ne présente pas d’intérêt pour lutter contre cette adventice, à l’inverse des faux semis estivaux.