C’est entre un couple de girafe et un tapir que Nicolas Hulot et Édouard Philippe ont dévoilé le contenu de leur plan sur la biodiversité. Et, au milieu des animaux empaillés de la grande galerie de l’évolution à Paris, ils ont longuement parlé d’agriculture. Derrière eux, tordant ses mains, Stéphane Travert ne s’est pas exprimé.

Nicolas Hulot a réitéré à cette occasion son souhait de soutenir les exploitants qui vont dans son sens : « Les agriculteurs peuvent, pour peu qu’ils y trouvent leur compte, être des acteurs efficaces de la reconquête de la biodiversité. » Les propositions cependant, présentent peu de nouveautés.

L’artificialisation des terres, un sujet qui court depuis 2017

Nicolas Hulot voudrait ralentir les projets d’aménagement, principalement dans les zones périurbaines. « Est-ce que chaque commune a besoin de sa zone commerciale ? » demande-t-il. Il s’agit de freiner la gourmandise injustifiée des promoteurs pour les terres. Les agriculteurs sont ici soutenus, puisqu’ils sont « eux aussi soucieux de protéger les terres agricoles qui sont devenues quelque part des terres rares ».

Concernant les moyens pour stopper l’artificialisation des sols, le gouvernement reste très prudent. Nicolas Hulot, refusant de faire des promesses, évoque 2025 ou 2030. Il souhaite tout d’abord « observer les dynamiques dans les territoires ». Ce qui est certain, c’est que l’année qui vient sera consacrée à réfléchir et dialoguer « avec les élus et les aménageurs ».

Le gouvernement se penche pourtant depuis déjà un an sur le sujet. Démentant le projet de taxe béton de Nicolas Hulot, Julien de Normandie avait déjà annoncé en octobre 2017 que les ministères travailleraient sur l’artificialisation pour 2018. Les actes attendront encore un peu.

Le ministre de la Transition écologique a par ailleurs annoncé que des pouvoirs supplémentaires seraient donnés aux préfets en matière d’urbanisme. Une mission sera enfin lancée par Stéphane Travert afin de protéger les terres agricoles, une tâche à laquelle il s’attelle déjà… depuis l’automne dernier.

Glyphosate et Néonicotinoïdes, pas de suspens

« Le plan prévoit, explique Nicolas Hulot, l’interdiction des pesticides tueurs d’abeilles, notamment néonicotinoïdes. » Le ministre n’a pas souligné que l’Assemblée nationale avait déjà voté cette interdiction le 21 juin dernier, sur proposition de la Commission européenne.

Concernant les produits phytosanitaires, « vous connaissez l’objectif ». Sortie du glyphosate d’ici à trois ans, renforcement du plan Ecophyto 2 avec une réduction de 50 % des utilisations de phytos à l’horizon de 2025 : le plan sur la biodiversité ne fait que reprendre à son compte les mesures déjà actées par la réunion du 25 juin réunissant les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique, avec les acteurs du monde agricole.

Le plan Bio 2022 prend un nouveau nom

Comme Nicolas Hulot l’avait confié au Parisien hier, le gouvernement offrira bien 50 millions d’euros par an à l’agriculture biologique, soit 200 millions d’euros jusqu’à la fin du mandat, puisés dans les redevances pour pollutions diffuses (RPD). Ces aides espèrent soutenir l’objectif du gouvernement d’avoir doublé les surfaces labellisées d’ici à la fin du quinquennat.

Cet engagement est très proche de celui du plan Bio 2022, annoncé par le ministre de l’Agriculture le 25 juin dernier. Stéphane Travert avait pour sa part annoncé que ces aides ne démarreraient qu’en 2020.

Doublement de l’enveloppe des mesures agroenvironnementales

« Mon rêve, explique Nicolas Hulot, c’est de transformer certains paysages agricoles, pourquoi pas comme les grandes plaines céréalières, et de remettre des haies et des mares pour les oiseaux reviennent dans nos campagnes. » Édouard Philippe, lui, se veut pragmatique. Pour les agriculteurs, rappelle-t-il, « planter des haies, c’est consacrer de l’énergie à des choses qui ne servent pas directement ». C’est pour cette raison que le gouvernement débloquera des fonds permettant de réaliser des aménagements écologiques dans les champs.

À titre d’expérimentation, 150 millions d’euros seront versés sur trois ans, pour accompagner la plantation de haies, le creusement de mares, ou la restauration de zones humides et de prairies. Cette enveloppe sera financée par les agences de l’eau. En cas de succès, le dispositif sera défendu auprès de Bruxelles dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune. La manière dont les crédits seront accordés n’est pas encore claire, mais ce budget représente près du double de l’enveloppe actuelle consacrée aux mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC).

Faire du neuf avec du réchauffé

Mesures déjà actées, ou empruntées à d’autres ministères : la plupart des annonces n’ont pas surpris. La seule véritable nouvelle concerne la rémunération des services environnementaux. Le tableau ci-dessous fait le point sur la fraîcheur des annonces.

La plupart des annonces du plan Biodiversité semblent être des répétitions © I. Logvenoff

Ce qui était le plus remarquable hier soir était peut-être la discrétion du ministre de l’Agriculture concernant des sujets qui touchent directement son administration, et sur lesquels ses équipes travaillent depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron. Dans ce nouveau cycle des démonstrations de force entre le ministère de l’Écologie et de l’Environnement, Nicolas Hulot a eu hier le dernier mot.

Ivan Logvenoff