Pour la FNSEA, la Commission européenne a adopté des propositions législatives, « sans tenir compte des nombreuses mises en garde sur les risques de renationalisation qui avaient été exprimées. C’est donc un échec ».
« Au même titre que les propositions budgétaires, qui ont reçu une opposition ferme du Parlement européen sur les coupes drastiques envisagées pour la Pac, il faut revoir en profondeur ces textes pour garantir d’une part le bon fonctionnement du marché intérieur, sans distorsions de concurrence entre les producteurs européens, et d’autre part renforcer la compétitivité de l’agriculture européenne, afin de lui donner les moyens de faire face aux nombreux défis qu’elle doit relever sur l’alimentation, le changement climatique ou l’évolution des attentes sociétales. »
« Nous comptons sur le Conseil et le Parlement européens pour tenter un rattrapage dans les mois à venir, à défaut, il faudra une nouvelle copie rapidement avec la nouvelle Commission en 2019 », déclare la FNSEA.
Pour l’AGPB (association générale des producteurs de blé), la Commission européenne propose « sous prétexte d’un meilleur ciblage, que la définition des normes environnementales et l’attribution des soutiens soient entièrement décidées par chaque État membre. Les aides directes seraient alors remplacées par un millefeuille encore plus complexe ! Ce projet, dépourvu de toute logique économique, comprendrait une proportion illimitée de soutiens facultatifs et arbitraires à visée sociale et environnementale ».
« Dans un marché européen unique, largement ouvert aux importations, cette renationalisation totale de la Pac se traduirait par d’énormes distorsions de concurrence entre agriculteurs européens ; alors même que ces derniers sont déjà soumis à des normes et à des aides de plus en plus divergentes d’un pays à l’autre, mais aussi avec les pays tiers non soumis aux mêmes exigences ».
La Confédération paysanne estime pour sa part que la proposition législative de la Commission est « sans ambition ni orientation pour l’agriculture européenne. Elle continuera donc à éliminer les paysans, à dégrader l’environnement, le climat, la biodiversité et la qualité de notre alimentation. Ce projet n’a d’ailleurs plus grand-chose à voir avec une politique commune, tant il renvoie le choix des mesures et des budgets à chacun des États membres. Ils y mettront le peu d’ambition qu’ils souhaiteront, avec le risque d’aggraver encore les distorsions de concurrence entre États. Aucune mesure de régulation et de maîtrise des marchés n’est proposée, le paysan doit se tourner vers les filières et les assurances pour se protéger. Les assurances privées sont largement mises en avant, puisque les États membres auraient l’obligation de se doter d’outils de gestion des risques et de financer le déclenchement des assurances à partir de 20 % de pertes. Ce qui consommerait le faible budget du développement rural ».
Dans un contexte géopolitique et économique de plus en plus instable, Coop de France souhaite rappeler « l’absolue nécessité du maintien d’une politique agricole réellement commune, permettant aux entreprises agricoles d’affronter les crises économiques, sanitaires et climatiques avec des outils efficaces ».
« Dans ce cadre,’’Les plans stratégiques Pac’’, pivots centraux de la politique agricole de demain,
définiront, par État membre, les réponses aux différents enjeux économiques, sociaux et environnementaux ». Pour Coop de France, « cette approche stratégique est pertinente. Elle ne doit
cependant pas ouvrir la voie à une renationalisation’’rampante’’ de la politique agricole, au risque de voir s’accroître les distorsions de concurrence sur le marché unique. Il est donc indispensable que les mesures soient cohérentes à l’échelle européenne et que le budget consacré en la matière soit à la hauteur des ambitions affichées ».
En réaction à la proposition de la Commission, le Copa (syndicats européens) et la Cogeca (coopératives européennes) mettent en garde « contre des projets qui risquent d’éroder le revenu des agriculteurs et appellent à une réelle simplification des règles de la Pac ». « Il est essentiel d’éviter toute renationalisation de la Pac et de garantir qu’elle soit dotée d’un budget plus solide. »
« Nous sommes très préoccupés par l’impact de ces propositions. Elles entraîneront en effet une nouvelle réduction des paiements directs, qui constituent de loin la meilleure manière de stabiliser le revenu des agriculteurs et de les aider à mieux gérer les risques liés aux revenus. Nous sommes opposés à tout plafonnement et à la dégressivité des paiements tels que proposés par la Commission », a souligné M. Rukwied, président du Copa.
Pour Michel Dantin, député européen (LR, PPE), « tel que je le présentais depuis quelques jours, c’est une programmation technocratique verdie à l’extrême fondée sur des stratégies nationales potentiellement divergentes qui est proposée par la Commission européenne. On n’y trouve plus « la politique », on distingue à peine « l’agricole » et on observe la décomposition du « commun » ».
« L’intégration des enjeux environnementaux et climatiques se fait en dépit du bon sens, dans une logique de surcoûts et de surenchères, alors que les revenus agricoles ont chuté ces dernières années et que les agriculteurs vont prendre de plein fouet la baisse annoncée du budget agricole : la direction assumée est « faire plus avec moins », alors que seule la durabilité économique des exploitations peut permettre des avancées significatives en matière environnementale et climatique ».
Angélique Delahaye, députée européenne (LR, PPE), estime que « la Commission a fait le choix de se défausser de sa responsabilité sur les États membres. La nouvelle architecture proposée, sous couvert de simplification, nous mènera vers une renationalisation de la Pac où la Commission se contentera de fixer des grands objectifs environnementaux, chaque État Membre pouvant y parvenir comme il l’entend. Cela conduira irrémédiablement vers des distorsions de concurrence entre les agriculteurs en fonction de leurs règles nationales. »
De son côté, l’eurodéputé José Bové (EELV), juge que la proposition de réforme de la Commission « doit être battue en brèche ». « En période de crise agricole, de baisse des revenus et de négociations commerciales internationales désastreuses pour le secteur de l’élevage, Philippe Hogan propose une baisse drastique du budget. Ce n’est tout simplement pas acceptable ».
« Le Commissaire Phil Hogan poursuit la renationalisation de l’agriculture et enterre la plus importante politique européenne qui n’a plus rien de commune. Les ministres de l’Agriculture doivent refuser cette proposition ».
Pour Eric Andrieu, député européen, porte-parole des sociaux-démocrates à l’Agriculture et au développement rural, « le gouvernement libéral de l’UE renonce à ses responsabilités en tant que régulateur et ne protège pas l’intégrité du marché intérieur. Alors que les États-Unis imposent des taxes sur l’acier et l’aluminium de l’UE, la Commission européenne continue sa discipline agricole dictée par l’OMC que l’Europe est la seule à suivre. Elle soumet la mise en œuvre du recouplage à des conditions beaucoup trop restrictives. Une fois de plus, elle se dérobe à ses responsabilités en refusant de faire évoluer les aides découplées en aides contracycliques et en renvoyant la gestion de crise et aux organisations de producteurs. »
« Nous avons besoin d’une Pac plus juste et plus durable. Sur ce point, je ne peux que me féliciter que les paiements directs aux agriculteurs seront réduits à partir de 60 000 euros et plafonnés pour les paiements supérieurs à 100 000 euros par exploitation ».