« Le prix du lait a baissé de 15 % en euro courant entre 1991 et 2021, explique Philippe Bruneau, président de l’interprofession des bovins lait (Criel Centre), devant Marc Fesneau, à l’Open Agrifood le 28 novembre 2023 à Orléans. Et de poursuivre : « D’accord, les lois Egalim l’ont amélioré, mais, même avec l’inflation, nous sommes toujours en retard ! »
Les oubliés du prix
Pour cette dixième édition de l’Open Agrifood, l’évènement qui rassemble les acteurs de la filière alimentaire, l’organisation a mis les pieds dans le plat en posant la question « Qui paye l’addition ? ». Les interprofessions de la Région Centre-Val de Loire l’ont repris à leur compte, en expliquant la construction du prix et tout ce qui n’est pas comptabilisé. « On a géré la transition environnementale du métier. Mais les modifications n’ont jamais été intégrées dans nos prix », revendique Philippe Van Den Broek, président d’Ariporc Centre-Val de Loire.
Pour Sylvain Boiron, président de l’interprofession laitière caprine (Criel), le prix, uniquement construit sur les coûts de production, ne suffit plus. « Il faut prendre en compte l’attractivité des métiers et la difficulté que nous avons à recruter, la pression de l’Administration sur le lait cru en AOP et le poids que cela ajoute à la charge mentale des éleveurs. »
Davantage de pédagogie et d’informations
Comment répercuter ces hausses sur le prix alors qu’avec l’inflation, les Français regardent de plus en plus leur porte-monnaie ? Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, affirme qu’il est nécessaire de continuer le combat sur la rémunération. « Nous avons les trois lois Egalim, mais on n’est pas au bout du chemin. On a besoin que les agriculteurs puissent aller plus loin sur les questions environnementales et la décarbonation, il faut qu’ils retrouvent de la marge. Nous devons donner de la valeur à notre alimentation. On entend régulièrement le pourcentage d’inflation sur les pâtes, mais qui est capable de dire celui des smartphones ou les voitures ? »
Le ministre encourage la restauration hors domicile à faire « un effort patriotique » notamment sur la viande, et la grande distribution à expliquer le prix au consommateur. « On sait qu’il y a des personnes qui ont plus de difficultés que d’autres, mais ce sont des sujets sociaux qu’il faut résoudre autrement », ajoute le ministre, qui préfère mettre l’accent sur la nécessité de la souveraineté alimentaire. « Quand on achète de la nourriture, on paie pour la qualité, la quantité et la liberté. »
Revoir les AOP
Marc Fesneau anticipe également les effets du dérèglement climatique sur les prix. Face aux chocs de production « gravissimes » liés aux catastrophes naturelles, il préconise de réfléchir à la question du stockage pour éviter les envolées de prix.
Il propose aussi de revoir les cahiers des charges des produits sous signe de qualité, qui sont un élément de valorisation du prix. « J’en suis à la troisième année de dérogation pour le Salers. Noter “pur à l’herbe” en pleine sécheresse, c’est de la théorie. Les conditions climatiques vont nous imposer de revoir nos cahiers des charges. »
Clauses miroirs à l’échelle de l’Europe
La question des importations est centrale face aux prix bas. Par rapport aux clauses miroirs (imposer les normes françaises aux produits importés) réclamées par la profession, le ministre répond clairement que la France ne pourra y aller seule. « La clause miroir ne viendra s’imposer que si on se met des règles européennes ». Ce qui devrait prendre pas mal de temps…