« Pas un maire qui ne m’en ait parlé, pas un agriculteur qui ne l’ait vécu. Ce sont des empreintes qui sont comme des verrues dans nos champs. Une gangrène rampante que la population et les élus subissent. » La présidente de la Région d’Île-de-France, Valérie Pécresse, ne tarit pas de critiques à l’égard du phénomène des dépôts sauvages de déchets dans l’Île-de-France.

La Région est en effet particulièrement exposée au phénomène. Et « son ampleur ne diminue pas », a poursuivi l’élue lors des Assises régionales du mitage, organisée à Paris par la Safer Île-de-France, le 19 septembre 2016. Preuve en est notamment avec les forêts franciliennes : 1 600 tonnes de déchets sauvages ont été ramassées en 2015 sur l’ensemble des forêts, selon l’ONF (Office national des forêts).

« Une sorte d’iCoyote des dépôts sauvages »

Pour enrayer le fléau, la Région a annoncé la création d’une application pour smartphone, « une sorte d’iCoyote (1) des dépôts sauvages », a décrit Valérie Pécresse, dont la mise en place est prévue d’ici à la fin de l’année, a précisé Chantal Jouanno, vice-présidente de la Région, chargée de l’écologie et du développement durable. Cette application donnera la possibilité à tout citoyen d’alerter en temps réel les autorités d’un dépôt sauvage de déchets.

Ce nouvel outil, destiné à faciliter le repérage, vient en complément du fonds de propreté, voté en juillet par le conseil régional, dont le montant s’élève pour 2016 à un million d’euros. « Nous savons par avance qu’elle sera insuffisante et qu’il nous faudra la réévaluer dès 2017, a indiqué Valérie Pécresse. Puisque l’ouverture de cette enveloppe a déclenché un véritable raz-de-marée : plus de 4 millions d’euros de demande – 26 dossiers – nous sont parvenus des collectivités depuis son annonce. »

Des amendes pas assez répressives

« Le problème des dépôts sauvages, en France, est lié à la faible efficacité des mesures répressives, a poursuivi le conseiller régional, Michel Caffin, en charge de la commission de la ruralité et agriculture (par ailleurs exploitant agricole à Villennes-sur-Seine). L’amende est totalement dérisoire. »

« Comment expliquer qu’un camion de 40 tonnes puisse déposer ses déchets – des tonnes de béton et de sacs de plâtre dans nos champs et n’être passible que de 45 euros d’amende ? », a relancé un agriculteur du Val-d’Oise, présent dans l’assemblée. « Nos dépôts de plainte sont systématiquement classés sans suite », a insisté le maire de Montesson, dans les Yvelines, Jean-François Bel.

Selon Johanne Cusset, chargée de mission à la Safer de l’Île-de-France, un dépôt sauvage de déchets est en effet beaucoup plus contraignant dans les autres pays européens : il est passible de 2 ans d’emprisonnement en Irlande, et d’une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 € en Allemagne. Chantal Jouanno a annoncé la mise en place d’un groupe de travail sur ces difficultés réglementaires, « car aujourd’hui très peu de sanctions sont prononcées ».

Davantage de déchetteries

Pour Valérie Pécresse, les principaux responsables de ces dépôts, sont les responsables des chantiers. « Gérer le déchet pour un entrepreneur est un travail supplémentaire qui n’est pas forcément évident, a rétorqué Timothée Vial, coordinateur du développement durable à la chambre régionale des métiers et de l’artisanat. L’Île-de-France compte seulement 173 déchetteries, seulement la moitié accueille les professionnels et le quart leur est réellement accessible toute la semaine. C’est une vraie difficulté, en particulier dans le sud de la Seine-et-Marne et le sud de l’Essonne. »

Chantal Jouanno a indiqué qu’une réflexion était en cours sur le sujet. « Nous souhaitons mieux couvrir le territoire de points de collecte. Notre objectif est de parvenir à seulement 15 à 20 minutes de trajet pour l’ensemble des professionnels. Nous allons aussi revoir notre système d’aides pour les déchetteries publiques et professionnelles. »

Rosanne Aries

(1) iCoyote est une application destinée aux automobilistes qui informe sur les conditions de trafic.