«Rien ne doit justifier des actions contre nos paysans. Rien. Et je serai intraitable sur le sujet », a plaidé d’emblée le chef de l’État, à son arrivée au Salon de l’agriculture, samedi 22 février. Faute d’annonce, comme avait prévenu l’Élysée deux jours plus tôt, le président de la République a donc choisi de se tenir à l’écoute des agriculteurs comme des visiteurs, des gilets jaunes aux collectionneurs de selfies. Pour sa troisième édition, Emmanuel Macron n’a, en clair, pas changé d’un iota : il est allé au contact, a longuement échangé durant 12 h 45, mais sans jamais rien céder.
Rien pour les retraités
Le président a ainsi indiqué qu’il était « impossible » de revaloriser les pensions des agriculteurs retraités à 85 % du smic, en 2020. « Je ne vais pas vous mentir, on ne peut pas gérer l’avenir et le passé en même temps », a-t-il déclaré avant d’avancer un coût de 1,1 milliard d’euros si une telle mesure était prise. Le député de LREM Olivier Damaisin avait évalué de son côté ce coût à environ 450 millions d’euros. « Ce chiffre de 1,1 milliard correspond à une revalorisation des actifs [exploitants à la retraite] et des conjoints collaborateurs », a précisé le chef de l’État à La France agricole. Il faut aussi compter les aides familiaux et les carrières incomplètes, a ajouté Olivier Damaisin. Le dossier n’est pas pour autant clos. Le gouvernement doit évaluer le coût d’un relèvement des actuelles pensions, pour peut-être en tenir compte dans le budget de 2021.
ZNT : rejet du moratoire
Les zones de non-traitement se trouvent aussi au cœur des préoccupations des agriculteurs. Au sujet d’un moratoire pour l’application du décret des ZNT, la réponse du Président ne s’est pas fait attendre : « Je ne peux pas dire moratoire car sinon le gouvernement va se prendre une condamnation. » En attendant la rédaction des chartes, Emmanuel Macron n’a pu apporter de réponse concrète. Sollicité pour mettre en place un fonds de compensation destiné aux pertes de récolte, le chef d’État a rappelé les 25 millions d’euros promis pour l’achat de matériel plus performant dans la maîtrise des risques de dérive. Une enveloppe qui ne satisfait pas la profession. « Nous lui avons dit que ce n’était pas normal, que ce petit fonds de 25 millions soit réservé à certaines filières et pas à d’autres », explique Éric Thirouin, président de l’AGPB. Cependant, Emmanuel Macron se serait engagé à travailler sur un fonds de compensation. « Je reste sur ma faim », confie l’élu.
L’homme de la Pac…
Sur le stand de la Commission européenne, après un bref échange avec Janusz Wojciechowski, commissaire européen à l’Agriculture, le président de la République a précisé que l’échec des négociations sur le prochain budget est dû à « une série de désaccords sur plusieurs sujets ». Emmanuel Macron affirme avoir refusé de « céder à une réduction d’ambition de notre budget européen ». Ce dernier doit être « au rendez-vous des ambitions que nous nous sommes données, c’est la cohérence, a insisté le président de la République. Sur la Pac, on défend un budget ambitieux. La Pac, c’est une politique de souveraineté et d’avenir. » Pour les paiements pour services environnementaux, validés par l’Union européenne le 21 février 2020, le président de la République a indiqué que les négociations ne sont pas terminées et qu’il ne peut pas préciser davantage les chiffres déjà communiqués.
…et des promesses
Autres sujets chauds pour le président de la République, les revenus et les distorsions de concurrence. Durant la journée, les agriculteurs n’ont eu de cesse de l’haranguer sur ces sujets. Le ton était donné dès le début de journée, puisqu’à peine arrivé Porte de Versailles, Emmanuel Macron a été interpellé par plusieurs agriculteurs des syndicats majoritaires. Interrogé sur l’application de l’article 44 de la loi EGAlim, imposant qu’aucune denrée produite avec des produits non autorisés en France ne franchisse le territoire national, le Président a rappelé l’importance d’une coopération européenne sur le sujet. « On rentre dans la dernière semaine des négociations commerciales. On compte sur vous pendant la journée pour faire passer le message à nos transformateurs », lui a alors demandé Arnaud Gaillot, secrétaire général pour JA. « On va continuer à mettre la pression sur les transformateurs et les distributeurs », a répondu le Président. Lors d’un long déjeuner, les EGA ont été la largement évoqués avec les représentants des interprofessions. Certains regrettent que le gouvernement ne propose toujours pas de dispositif juridique pour encadrer les discussions qui se déroulent, dans le cadre des plans de filière, au sein des interprofessions. Emmanuel Macron a promis qu’un pacte de compétitivité, intégrant un volet agricole, verrait le jour avant la fin de l’année. Il doit renforcer la compétitivité de l’agriculture française.
Débat public sur la Pac
Les orientations de la France pour la future Pac sont aussi sur le devant de la scène. Le 23 février au Salon, la commission nationale du débat public (CNDP) a lancé imPactons, un débat national sur l’avenir de l’agriculture. Les citoyens sont invités à donner leur avis, avant le 31 juillet, sur le plan stratégique national (PSN) de la France pour la future Pac. Cinq questions seront soumises au débat : quels modèles agricoles pour la société française ? Quelle transition agroécologique ? Qu’est-ce que je mange ? Comment cohabiter dans les campagnes ? Qui décide de la politique agricole ? Dans ses conclusions, la CNDP va « alerter sur les freins et les écueils soulevés par les concitoyens » sans prendre partie sur le fond et « les décideurs devront se positionner », a assuré Chantal Jouanno, sa présidente. La rédaction