Nous créons les frustrations qui deviennent violence.
Certains pensent que nous sommes en guerre. Ceux qui ont connu la guerre, disons la guerre classique, savent que chez nous, la mort avait une tout autre tournure. Victimes de bombardements : femmes, enfants, vieillards, par dizaines de milliers, disparaissaient dans le plus total silence médiatique. Il n’en va plus de même, et on est en droit de se demander jusqu’à quel point la « guerre » actuelle ne s’autoalimente pas par la déferlante d’informations la concernant.
Certes, les observateurs stigmatisent avec raison une forme de haine-revanche à caractère racial pseudo-religieux qui utilise comme bras séculiers des tempéraments psychologiquement fragiles. Mais comme le remarque le professeur Mathieu Guidère (1), c’est la médiatisation qui diffuse la volonté de passer à l’acte et d’avoir, fut-ce au prix de sa propre existence, une heure de gloire violemment négative à défaut de pouvoir la rendre positive. A-t-on, à ce propos, assez mis en exergue les travaux du philosophe anthropologue René Girard, récemment disparu ? Il pensait trouver l’origine de la violence dans ce qu’il dénommait « la rivalité médiatique », née aux aurores de l’humanité. En simplifiant sa pensée à l’extrême, on peut traduire cela par la frustration ressentie à l’égard de ce que possède autrui. Il peut en découler une virulence de sentiments capable d’atteindre le point où le religieux, source d’amour et de fraternité, est susceptible de se retourner en haine.
Or notre quotidien déborde d’images propres à exciter la « rivalité médiatique » qui nous habite à notre insu. En montrant à profusion des richesses inaccessibles autant que des exploits criminels, les médias peuvent contribuer à renforcer le besoin de violence qui hante tant d’esprits faibles.
(1) Ouest-France du 29 juillet.