En ce 18 octobre, il pleut sur Bruxelles. La capitale de l’Union européenne (UE) est sous le choc. Le matin même, la ratification de l’accord commercial bilatéral entre l’UE et le Canada, le Ceta, par les ministres européens du Commerce, n’a pas pu avoir lieu, à cause de la Belgique, le pays hôte lui-même ! En réaction, la Commission a maladroitement tenté un chantage aux subventions sur le gouvernement belge.
Relancer le débat
L’invitation lancée par l’eurodéputé Éric Andrieu (France, PS) à une rencontre intitulée « Free trade and european beef », le jour même au Parlement européen, tombe donc à point nommé pour contribuer à relancer le débat sur le contenu de cet accord.
Des représentants d’éleveurs bovins français, irlandais et espagnols sont venus y évoquer leurs inquiétudes devant des députés et des représentants de la Commission. Pour la France, Guy Hermouet, président d’Interbev bovins, et Jean Pierre Fleury, président de la FNB (Fédération nationale bovine), ont alerté sur les dangers des quotas d’importation de bœuf prévus dans le Ceta.
« Nous partageons les préoccupations de la filière allaitante, leur a assuré Éric Andrieu en introduction. Je ne suis pas défavorable aux échanges commerciaux, à condition qu’ils soient fondés sur des principes de réciprocité et d’équilibre, mais aussi sur le respect de normes sanitaires, sociales et environnementales ». « Un accord ne doit pas être destructeur pour les filières agricoles fragiles. Or, force est de constater que les normes ne sont pas identiques des deux côtés de l’Atlantique. »
« Il existe des opportunités pour l’industrie de la viande »
L’eurodéputée irlandaise Mairead McGuinness ne semble pas partager cette crainte. Pour elle, « il existe des opportunités pour l’industrie de la viande dans cet accord », et « pas seulement des menaces ». Et les analyses « fermes et rassurantes » de la Commission sur les effets cumulatifs des différents accords lui suffisent. D’autant qu’elle explique qu’en Irlande, pays très exportateur, « l’économie finirait par mourir sans commerce ».
« Nous ne pouvons laisser cet accord mettre en danger notre secteur bovin »
Ses propos ont immédiatement été contredits par le représentant de la filière bovine irlandaise, Angus Woods, qui a appelé l’UE à ne pas signer cet accord. « Nous ne pouvons laisser cet accord mettre en danger notre secteur bovin », a-t-il souligné, précisant que « le marché européen ne sera pas en mesure d’absorber des quantités importantes de viande importée. » D’autant qu’en face, la production canadienne n’est pas soumise aux mêmes normes sanitaires, environnementales, etc.
Pourtant, les tenants du Ceta n’ont pas laissé transparaître de doute. Ainsi, l’eurodéputé Paolo di Castro a expliqué que « le Ceta est bien, que les négociations sont bonnes » et que l’UE « insiste sur la réciprocité des normes ». Pour lui, ce type d’accord est important pour l’Europe, première puissance exportatrice mondiale. « Une position protectionniste ne correspond pas toujours aux éleveurs européens, une position très offensive doit être prise en considération, et il faut aussi faire confiance à nos négociateurs ».
« Les normes européennes de production ne sont pas sur la table »
Quant au représentant de la Commission, John Clarke, il a expliqué « être là pour défendre les intérêts européens » et estime que « la politique d’ouverture par les traités commerciaux est positive pour le bien public. L’UE est plus que jamais en mesure d’être en concurrence, ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas de secteurs sensibles, et le bœuf est particulièrement sensible. » Face à cette fragilité, il estime y avoir répondu par la mise en place des quotas d’importation. « Les normes européennes de production ne sont pas sur la table et ne seront donc pas tirées vers le bas », a-t-il également estimé.
Une assurance qui ne convainc pas totalement Éric Andrieu, pour qui « il n’est pas sûr que les bénéfices soient aussi importants que la Commission le dit. Il est fondamental que la Commission réponde mieux aux préoccupations de nos concitoyens et qu’elle protège davantage nos produits agricoles. »