Il n'y a pas de recette miracle, pas de solutions toutes faites. « Il faut envisager différents leviers dans une logique de complémentarité », commente Frédéric Levrault, expert en changement climatique pour les chambres d'agriculture.
Et si la recherche et le développement apportent aujourd'hui plus de solutions concrètes en matière d'atténuation que d'adaptation, les agriculteurs n'attendent pas pour expérimenter un panel de solutions techniques. Elles constituent des premiers pas pour une nécessaire transition vers des procédés diversifiés, autonomes et s'appuyant sur les spécificités de leurs écosystèmes : des systèmes armés pour faire face au climat.
- Esquive. Cette stratégie correspond à l'avancement des dates des cultures grâce, par exemple, au recours à des variétés plus précoces. Ceci dans l'objectif d'éviter les stress thermique et hydrique de fin de cycle.
Pour des espèces de printemps comme le maïs, les semis précoces peuvent ainsi permettre des économies d'irrigation. Mais cette tactique peut générer des risques supplémentaires avec une exposition accrue au gel et au risque parasitaire.
En cultures d'automne, le semis précoce est moins intéressant. « Par exemple en blé, en avançant les dates de semis, on n'avance que de quelques jours la récolte. L'épiaison a lieu au même moment, après la vernalisation, nuance David Gouache, le chef du service biotechnologies chez Arvalis. Quant aux variétés précoces, leur potentiel de rendement peut être plus faible et elles présentent une variabilité interannuelle accrue au stade épi 1 cm, engendrant des risques de gel. Tout l'enjeu de la génétique réside dans la création de variétés précoces mais stables à épi 1 cm. »
- Sélection. En blé, l'identification des gènes qui contrôlent la tolérance au stress hydrique est aussi un des leviers étudiés.
« Dans les zones sèches, les plantes adoptent une stratégie d'économie d'eau tout au long du cycle. Dans des zones où l'eau n'est pas un problème, les plantes transpirent et maximisent ainsi le rendement. Il faudrait identifier les génotypes avec des comportements intermédiaires entre ces deux fonctionnements pour une adaptation au stress hydrique sans trop de perte de rendement », poursuit David Gouache.
Mais ce sont des centaines, voire des milliers de gènes qui participent à la réponse au stress hydrique... « De plus, la sélection est réalisée en station expérimentale alors que ce ne sont pas les mêmes gènes qui agissent selon les différents lieux », rappelle Guy Kastler, délégué général du réseau semences paysannes.
- Diversité. Ainsi, la sélection paysanne, se pratiquant dans les conditions locales de chaque ferme, assure une adaptation progressive des semences au terroir et aux conditions environnementales. « Elle prend tout son sens dans un contexte où le changement climatique se manifeste par une accentuation de la variabilité et non pas par des sécheresses répétées chaque année », précise Guy Kastler, convaincu aussi par la nécessité de rechercher la diversité des variétés au sein de chaque parcelle. D'après les résultats d'une étude menée par le CNRS et l'Inra en 2013, les cultures associées ont un rendement meilleur que les espèces isolées, surtout en période de sécheresse. En conditions irriguées, les parcelles en plantes mélangées (espèces fourragères) ont présenté un rendement supérieur de 2 t/ha par rapport aux parcelles en monoculture. En situation de sécheresse, la différence est de 8 t/ha. En effet, si chaque plante est différente, il y aura toujours des individus qui vont s'adapter aux aléas et qui survivront. Mais si tous sont semblables, il est possible qu'aucun ne résiste. Il y a aussi une meilleure exploitation de la ressource en eau, chaque plante extrayant l'eau différemment.
- Gérer l'eau. Dans les régions du Sud, le problème de l'eau est manifeste. Les arrêtés de restriction de l'irrigation se multiplient dans les départements. Ainsi, l'heure est à l'économie. « Un pilotage de l'irrigation plus fin s'impose », alerte Frédéric Levrault. Dans les Landes, au bassin du Midou, la chambre d'agriculture mène une expérimentation sur 1 ha en goutte-à-goutte en grande culture, en remplacement des prélèvements en cours d'eau. « Les premiers résultats montrent une économie de 25 % d'énergie et de 20 % d'eau par rapport à un système pivot », relève Bernard Grihon, responsable du service gestion de l'eau de la chambre.
Mais le coût de l'investissement peut être difficilement supportable à l'échelle d'une exploitation, les installations étant enterrées de 30 à 40 cm sous terre. Et quand bien même cet équipement se généraliserait, il ne permettrait pas de limiter les prélèvements par pompage dans les nappes ou dans les lacs. Mieux vaut adapter son assolement aux conditions pédoclimatiques.
- Modifier l'assolement. «Cela fait des décennies qu'on a appris à vivre sans eau, plaisante Jérôme Fabre, technicien à la coopérative Terroirs du Sud. Quand on prend conscience du manque d'eau, les agriculteurs arrêtent les cultures irriguées et font des céréales à paille ou encore des protéagineux, du tournesol et du colza. » Donc, pour éluder la question de l'eau, certains agriculteurs optent pour la culture de variétés plus résistantes aux conditions séchantes. C'est ce qu'explique Jean-Philippe Rouanet, agriculteur dans le Tarn. Il a abandonné l'irrigation et le maïs pour semer du sorgho et des pois chiches, beaucoup moins dépendants en eau. « 2015 est juste derrière 2003. Avec les conditions actuelles, mon maïs ne serait pas en bonne santé alors que le sorgho, de par sa rusticité, résiste très bien. Avec un temps trop sec en juin, j'ai aussi abandonné le désherbage pour adopter le binage, avec succès. » Pascal Guichemerre, polyculteur-éleveur dans le bassin versant du Midou, a aussi substitué une partie de son maïs par du tournesol et du triticale, résistants au stress hydrique. « On ne pouvait pas continuer à irriguer nos 90 ha implantés en maïs. »
- Expérimenter. « Il reste de nombreuses choses à expérimenter pour construire des systèmes adaptés au changement », appuie Josie Riffaud, à la commission climat de la Confédération paysanne. Les techniques agroécologiques sont des réponses pour faire évoluer les choses.