« Sur le marché libre de la pomme de terre, les prix varient sur une échelle de 1 à 7, soit environ 60 à 450 euros par tonne, explique Pascal Collard, agriculteur en Gaec à Isse, dans la Marne. Face à cette importante volatilité, tout miser sur cette culture n'est plus possible. » Il a pourtant beaucoup investi et dispose de 5 200 tonnes de stockage réfrigéré pour les tubercules. Un moyen pour lui d'étaler ses ventes sur la campagne en écoulant sa production en fonction des prix du marché. Son frère, Xavier Collard, avec qui il est associé, a d'ailleurs suivi un stage de commercialisation afin d'optimiser les prix de vente de ses pommes de terre en s'assurant un revenu, mais aussi en « faisant des coups » sur le marché libre.
Malgré cette capacité à maîtriser dans le temps sa commercialisation, Pascal Collard ne met pas tous ses oeufs dans le même panier. La diversification s'est donc imposée.
RÉPARTIR LES RISQUES
Sur les 442 hectares dont il dispose avec son frère et sa tante en Gaec, il cultive, outre 294 hectares de grandes cultures, 75 hectares de pomme de terre de consommation, 30 hectares d'oignons, 38 hectares d'épinard sous contrat avec des haricots verts en dérobé et 5 hectares d'ail. Il possède également un atelier d'engraissement de taurillons de 180 places. Disposant d'un parc de matériels important en rapport avec la diversité de ses productions, Pascal Collard réalise des assolements en commun afin de le rentabiliser. Cet assolement est formalisé au sein d'une SEP (société en participation) qui n'a aucune activité financière mais qui permet de justifier l'assolement en commun auprès de l'administration. La prestation, de 400 euros par hectare et par an hors arrachage des betteraves, amortit les charges de mécanisation uniquement pour la partie agricole. Mais pour Pascal Collard, le principal intérêt économique vise à assurer une rotation en cultures légumières assez large, via des échanges de parcelles.
FAIRE TOURNER LE MATÉRIEL
« La Marne est un département très diversifié, ce qui entraîne un fort taux d'équipement », souligne l'exploitant. Pour rentabiliser davantage son matériel, il a créé une SARL dédiée à la vente de services. Ainsi, il réalise des prestations de travaux agricoles sur 150 hectares, en plus de l'assolement en commun. « Le gros intérêt des prestations est encore d'amortir le matériel », insiste-t-il. En outre, cette forme sociétaire autorise l'exploitation ou la gestion d'un ou plusieurs domaines agricoles.
DAVANTAGE DE ROBUSTESSE
« Ma principale stratégie pour minimiser la volatilité reste la diversification, les nombreux investissements nécessaires à ce système permettent des amortissements dégressifs », explique Pascal Collard. Un problème apparaît cependant, la fin de la déduction pour investissement (DPI). Les amortissements annuels de l'exploitation sont de 400 000 euros, une somme non négligeable qui pousse à limiter les risques en termes de revenu.
« Avec des rotations qui s'étalent sur huit à dix ans, la diversification, par rapport à la monoculture, limite les problèmes de résistance des adventices ou des ravageurs, évitant les impasses techniques », souligne l'agriculteur. Il ajoute que « la biodiversité des sols s'améliore et réduit l'impact des activités agricoles sur la qualité des eaux ». Des expérimentations locales tendent à le prouver. Il y trouve aussi son compte en termes de fertilité et de réserve hydrique des sols, limitant les risques de sécheresse. Autre assurance, les contrats sur les légumes, épinards et haricots verts « permettent de connaître à l'avance notre chiffre d'affaires grâce à un lissage des prix entre producteurs, explique Pascal Collard. Pour les oignons, un achat à prix garanti est proposé avec des primes en fonction du marché. »
Par ailleurs, il indique que l'ail est vendu par la coopérative au prix du marché, moins les charges de conditionnement. En bovin, une caisse de péréquation entre les producteurs permet aussi de lisser les prix. Enfin, les grandes cultures sont livrées en prix moyen à la coopérative.