Pour raisonner au mieux l'itinéraire technique d'un couvert et limiter les interventions spécifiques, il faut faire son choix en prenant en compte les coûts des modes d'implantation et de destruction, mais aussi les éventuels avantages économiques des cultures choisies. Ces dernières années, des essais ont permis d'accumuler des références sur l'implantation des cultures intermédiaires.
SEMER TÔT
Il apparaît que les dates de semis (voir cartes ci-contre) ne sont pas toujours optimales. Une enquête réalisée par Arvalis auprès d'environ 1000 exploitants au cours de l'automne 2010 montre que la majorité des implantations est réalisée entre le 15 août et le 15 septembre. Pourtant, il serait souvent nécessaire d'intervenir plus tôt pour maximiser la période de croissance des couverts et piéger davantage d'azote. Une intervention possible sur une bonne partie des régions situées au nord du pays. Pour cela, il faut un minimum d'humidité et de reliquats dans le sol. En zone d'élevage, la valorisation en fourrage motive à semer tôt. Il va de soi qu'il est alors essentiel de soigner le semis pour espérer rentrer dans ses frais.
L'institut technique ajoute qu'il existe moins d'espèces adaptées au semis tardif. Ainsi, pour le bassin parisien fin août-début septembre, seuls la moutarde, le radis fourrager, la phacélie, le seigle et l'avoine rude peuvent être envisagés. Mi-septembre, sur cette même zone, il ne reste que le seigle et l'avoine rude. De plus, quand l'exploitant fait le choix d'une légumineuse, il est nécessaire de la semer au plus tard à la mi-août, avec toutefois des nuances en fonction des régions (voir cartes). « Ce sont des plantes plus coûteuses que les autres, il faut donc prendre en compte leur forte exigence en terme de lumière et de températures pour réussir leur implantation, explique Jérôme Labreuche chez Arvalis. Les semer rapidement après la moisson est le gage qu'elles bénéficient de l'humidité résiduelle du sol. »
De leur côté, les graminées et les crucifères sont plus souples. Même si une moutarde ou un sarrasin semés trop tôt ont toutes les chances de monter rapidement à graine (en cinq à six semaines dans des conditions optimales) et de salir la parcelle, ce qui peut poser problème dans certaines rotations à base de lin ou de pois, notamment. « Ces espèces seront donc mieux adaptées pour des intercultures courtes, entre deux blés par exemple », appuie Arvalis. Mais il existe des freins à un semis trop précoce. Dans les régions méridionales, comme en Midi-Pyrénées, les agriculteurs sont confrontés à la sécheresse en août, synonyme de pertes et de faible développement. Il vaut donc mieux intervenir à partir du 20 août. Cette alternative est indiquée quand il y a peu d'azote à restituer. D'autres peuvent ne pas souhaiter un couvert trop développé qui serait mécaniquement gênant et plus difficile à enfouir. Il faut aussi trouver un compromis car, agronomiquement, des déchaumages avant l'implantation des cipans sont souvent nécessaires pour réaliser des faux-semis et ainsi diminuer le stock semencier ou bien réduire l'activité des limaces. Différents chantiers, comme les semis du colza, ou des récoltes tardives, peuvent aussi placer les Cipan (Cultures intermédiaires pièges à nitrates) à un rang de moindre importance . Avec des semis précoces, il existe aussi des risques de montée à graine de la flore estivale (chénopode, amarante, PSD...).
DES ESPÈCES ET VARIÉTÉS DIVERSIFIÉES
Moutardes, radis fourrager, phacélie, lin, tournesol, niger, sarrazin, avoines, moha, vesce, lentille, pois, trèfles…, les espèces pouvant être semées durant l'interculture se trouvent en grande quantité. L'enquête d'Arvalis a pourtant montré que près de la moitié des agriculteurs interrogés sème de la moutarde (blanche) seule.
Cette espèce est choisie pour sa facilité d'implantation, de destruction et pour sa semence peu coûteuse. Au delà de 50 €, il n'est en effet souvent pas jugé raisonnable d'investir dans une Cipan, eu égard aux services qu'elle peut rendre. Le prix de la moutarde s'élève à 15-25 €/ha. Lorsque le coût est plus élevé, les espèces sont souvent apportées en petites quantités dans des mélanges où les agriculteurs font leurs propres semences. Il est à noter que le coût de la phacélie a diminué ces dernières années. A 4 € le kilo et à une dose de 7 kg/ha, il peut désormais être plus intéressant d'investir dans cette espèce plutôt que dans une moutarde dont le broyage est estimé à 20-30 €/ha.
INTÉGRER LA PRÉCOCITÉ
Mais d'autres espèces existent et présentent des intérêts diversifiés comme la fourniture en azote pour la culture qui suit (légumineuses), la structure du sol (radis chinois), le contrôle éventuel des adventices (avec une forte biomasse), des maladies (impact potentiel des crucifères sur le piétin échaudage) ou sur les ravageurs...
L'offre variétale peut permettre de répondre spécifiquement à ces questions. C'est donc un élément que les agriculteurs doivent aussi s'approprier. Par exemple, parmi les moutardes et radis fourragers se trouvent des variétés anti-nématodes, intéressantes dans les rotations betteravières. L'ITB (Institut technique de la betterave) a travaillé sur ces deux crucifères et a même lié à cette résistance la précocité à floraison. Des moutardes telles que Profi ou Lotus sont par exemple plus précoces à floraison que Carnaval ou Caribella. L'offre de ray-grass d'Italie offre aussi la possibilité de choisir des variétés alternatives ayant comme caractéristiques de s'implanter et pousser rapidement. Leur cycle court assure des plantes pratiquement détruites en fin d'hiver.
Il reste encore compliqué pour les instituts de tester toutes les variétés des différentes espèces qui sont nombreuses au catalogue européen. Pour le moment, Arvalis axe ses essais sur les variétés de vesce. Parmi elles, les biomasses peuvent varier de 1 à 3 ; certaines fixent plus rapidement l'azote, sont plus ou moins sensibles au froid ou à l'Aphanomyces. Il faut donc retenir une variété résistante si la rotation intègre du pois pour éviter la multiplication de ce pathogène. Malgré tout, il faut parfois reporter son choix sur une autre espèce ou une autre variété car il arrive qu'il y ait des problèmes de disponibilité et des prix élevés (avoine rude cette année).