« Le problème de ce captage, c'es t l a présence d'atrazine alors qu'on n'en utilise plus. Pourquoi réduire l'IFT ? », entend-on dans les campagnes. Peut-être mais « cette alerte doit provoquer une prise de conscience plus globale et une remise en cause », estiment les agriculteurs volontaires pour faire partie de la réflexion et trouver des solutions. Jean-Luc Gennerat, agriculteur sur un bassin de captage et président de la section Grandes cultures à la FDSEA, fait partie de ceux-là. « Il faut favoriser les échanges entre agriculteurs, chercheurs, conseillers pour susciter des débats et avoir une attitude constructive. Nous devons prouver notre implication et tout de suite ! »

Dans l'Yonne, l'un des premiers départements à avoir pris des arrêtés pour définir des plans d'action, des mesures agro-environnementales ont déjà été signées. Mais pas partout. « Il faut bien avancer et protéger l'eau, estime un agriculteur de l'Yonne, qui a signé une MAE "Limitation de la fertilisation azotée et réduction des traitements phytosanitaires". Mes parcelles les plus proches du captage sont à faible potentiel, la MAE est donc adaptée dans ce cas et la compensation financière devrait suffire, sauf si le prix du blé monte. Je vais passer d'une rotation sur trois ans colza/blé/orge d'hiver à une rotation sur cinq ans en introduisant du tournesol et de l'orge de printemps. On verra dans cinq ans si je reviens à mon ancien système car je souhaite conserver la rentabilité de mon exploitation. Cependant, je veux montrer ma bonne volonté dès maintenant. même si je suis très critiqué. »

NE PAS METTRE SOUS CLOCHE 40 000 HA

Si le potentiel des terres est faible à moyen, cette MAE peut être adaptée mais, globalement, il s'agit d'« un moyen rigide qui n'a aucun lien avec l'agronomie et la technique », estime Jean-Luc Gennerat. Il ne faut pas mettre sous cloche des secteurs entiers, 40 000 ha sont concernés dans l'Yonne, sans être sûr des résultats sur la qualité de l'eau. »

La première chose à faire, selon les agriculteurs, serait d'harmoniser les pratiques grâce à des formations : « L'IFT peut passer du simple au double avec les mêmes productions dans la même zone ! », constate-t-on. Pour aller plus loin et proposer de nouvelles techniques culturales alternatives aux MAE, Jean-Luc Gennerat fait partie d'un groupe de travail avec l'Union des productions végétales (qui rassemble coopératives, organismes stockeurs privés et producteurs de l'Yonne), la chambre d'agriculture, Arvalis et l'Inra. « Il faut étudier au cas par cas chaque captage et proposer des mesures adaptées. Certains posent des problèmes qui peuvent être vite réglés, » estime Jean-Luc Gennerat. Parmi les pistes de réflexion du groupe réuni mardi 20 mars, on trouve : aménager le territoire avec création de petits bassins de rétention, revoir l'emplacement des zones tampons et des jachères, allonger les rotations pour diversifier les matières actives (notamment en herbicides, difficiles à diminuer), utiliser des matières actives moins dangereuses, mesurer les reliquats en entrée et sortie hiver, utiliser des outils d'aide à la décision en azote et en phytos (N-Tester, Presept…), allonger la mise en place des cipan… « Pour connaître l'évolution, il faut aussi analyser l'eau régulièrement, suivre l'IFT… », précise Jean- Luc Gennerat, qui a aussi prévu, avec son groupe, de calculer l'impact économique de chaque mesure. Ces dernières seront ensuite proposées lors du prochain comité de pilotage à l'Agence de l'eau et à la DDT.

EN MOUVEMENT

Au niveau national, parmi les pistes de travail, une MAE Ferti02, alternative à la MAE Ferti01 (1), a aussi été proposée par la profession au ministère de l'Agriculture. Affaire à suivre mais, même s'il faudra du temps pour voir les résultats d'un tel changement sur la qualité de l'eau, les agriculteurs, eux, sont en mouvement.

(1) Réduction de la fertilisation à 140 u N total en moyenne, avec analyses annuelles des effluents épandus et un engagement d'au moins 50 % des surfaces éligibles.