Novembre est le mois du beaujolais nouveau. Cette année, ce sera aussi celui du changement de carburant avec l'arrivée du GNR (gazole non routier). Les deux produits partagent un défaut commun : ils vieillissent mal. Et s'il est possible d'éviter les effets du vin primeur, l'abandon du fioul au profit du GNR est incontournable.

Réglementation européenne oblige, tous les engins agricoles devront carburer au gazole à partir du 1er novembre 2011. C'est déjà théoriquement le cas depuis le 1er mai pour tous les automoteurs mais un rapide tour de plaine lors des moissons et des ensilages a montré que peu d'exploitants respectaient cette obligation.

Beaucoup clamaient haut et fort que tant que le fioul Premium serait disponible, ils continueraient à l'utiliser. Mais ne rêvons pas, les pétroliers ont déjà cessé de produire du fioul Premium et ils ne seront plus en mesure d'en livrer après le 1er novembre. Il faudra alors se résoudre à apprivoiser ce nouveau carburant.

Connaître la résistance au froid

La première caractéristique problématique du GNR est sa déclinaison en deux qualités : été et hiver. La température limite de filtrabilité (TLF), qui caractérise la résistance au froid, sera la principale différence entre les deux GNR. Ainsi, des additifs sont ajoutés au carburant « hiver » pour augmenter sa TLF et garantir la stabilité du produit jusqu'à -15 °C.

Le problème est que l'agriculteur ne maîtrise pas la qualité du GNR qui lui sera livré. Ainsi, il sera approvisionné en GNR « été » entre avril et octobre, même si le thermomètre descend chez lui sous 0 °C, la distribution de GNR « hiver » ne débutant que le 1er novembre.

En outre, il est déconseillé de compléter une cuve contenant du GNR « été » avec du GNR « hiver » car les additifs seraient alors dilués et la TLF diminuerait.

Pour résoudre ce problème de résistance au froid, les pétroliers proposent un GNR Premium avec un surcoût de quelques centimes par litre.

Ce dernier offre une TLF de -12°C en version été et -21°C pour l'hiver. C'est le carburant proposé en priorité par Total et BP.

Revoir la capacité de stockage à la baisse

Le gazole se conserve moins bien que le fioul car il est moins stable. Il est maintenant admis qu'il commence à se dégrader au bout de six mois dans les conditions de stockage classiques d'une exploitation agricole. La solution la plus simple consiste à revoir les capacités de stockage à la baisse.

Les fabricants de cuves à carburant, qui ont augmenté leurs ventes de près de 30 % depuis le début de l'année, constatent d'ailleurs une baisse significative du volume de stockage moyen, avec des automonies recherchées de deux à trois mois au maximum.

Cette gestion des réserves au « coup par coup » permet aussi de lisser les éventuelles variations du prix du gazole, plus volatile que celui du fioul. Il reste à régler le problème du GNR qui sera contenu dans les automoteurs de récolte pour l'hivernage. En théorie, les 600 à 800 litres qui auront passé onze mois dans les réservoirs se seront fortement dégradés et pourraient compromettre l'intégrité du moteur. 

Evaluer l'intérêt du GNR Zéro

La présence de 5 à 7 % de biocarburants dans le GNR sous forme de biodiesel contribue à augmenter l'instabilité de ce produit au stockage (lire l'encadré). De plus, leur action détergente contribue à mettre en suspension toutes les particules contenues dans les cuves mal nettoyées.

Cette incorporation de biocarburants dans le gazole ne pose pas de problème pour les automobiles et les poids lourds puisque les stations-service sont équipées de cuves et de filtres dernier cri. En revanche, le stockage à la ferme s'accomode mal de ces contraintes.

Le GNR Zéro (ou BioFree), qui ne contient pas de biocarburant, permet de résoudre ces problèmes. En revanche, il engendre un surcoût de plusieurs centimes par rapport au GNR Premium et, surtout, il n'est pas disponible partout. Quelques distributeurs frontaliers dans l'Est et Dyneff dans le Sud proposent ce carburant.

S'assurer de la garantie de sa cuve

Quelques fabricants de cuves ne garantissent leur matériel que pour une certaine quantité de biocarburant, en général 5 %. Cette restriction s'applique surtout aux cuves en polymère. Il est donc prudent de s'assurer de la proportion de biodiesel mentionnée dans la garantie avant de signer le bon de commande.

Nettoyer les cuves

Les conseillers machinisme et le BCMA ne le répéteront jamais assez : une transition réussie du fioul au GNR passe d'abord par un nettoyage complet de la cuve par un professionnel. Le changement des filtres à carburant sur tous les engins motorisés peut aussi être envisagé.

Attention aux additifs miracles

Avec l'arrivée du GNR auquel certains prêtent tous les maux, les vendeurs d'additifs se sont tous lancés dans la course au produit miracle qui pourra résoudre les problèmes de résistance au froid, stabilité ou encore rendement énergetique. Comme toujours pour ce type de produit, le meilleur cotoie l'arnaque. Mieux vaut donc être prudent et faire plutôt confiance aux additifs des pétroliers.

 

PETIT LEXIQUE

• GNR été : gazole livré entre avril et octobre, avec une température limite de filtrabilité (TLF) de 0°C.

• GNR hiver : gazole livré entre novembre et mars, avec une TLF de -15°C.

• GNR Premium ou Premier : GNR de qualité supérieure, avec une TLF de -12°C en été et -21°C en hiver.

• GNR Zéro ou BioFree : GNR dont la teneur en biodiesel est inférieure à 0,2 %, contre 5 à 7 % sur les autres GNR.

• Ad-Blue : solution à base d'urée utilisée pour alimenter les catalyseurs SCR qui dépolluent les gaz d'échappement. Même si le développement de l'Ad-Blue coïncide avec l'arrivée du GNR, il n'y a pas de rapport entre les deux.