Un bail rural ordinaire n'est transmissible qu'au conjoint ou à un descendant. Depuis 2006, propriétaire et fermier peuvent opter pour un bail cessible hors du cadre familial. Ce contrat obéit à des règles particulières. Sa principale caractéristique est de pouvoir être cédé à quiconque. Le preneur est libre d'organiser son remplacement, sauf à informer préalablement le bailleur de son intention. « L'agriculteur peut ainsi transmettre son outil avec la terre », souligne Emmanuel Clerget, notaire à La-Charité-sur-Loire (Nièvre). Le propriétaire peut s'opposer à cette cession pour un motif légitime, par saisine du tribunal paritaire des baux ruraux. Sans réponse de la part du bailleur, le preneur peut céder son bail et monnayer le droit au bail (fonds agricole).Le bail cessible a une durée impérative de dix-huit ans. Il doit être écrit et passé devant notaire. A l'échéance du bail, la location a vocation à se renouveler pour une période de cinq ans au moins. Compte tenu des incertitudes à l'issue de ce premier renouvellement, « il est recommandé de le prévoir conventionnellement à la signature du bail. En précisant, par exemple, un renouvellement par périodes successives de cinq ans », précise le notaire. Contrairement à la règle habituelle, le bailleur peut exiger le départ du preneur en fin de bail sans avoir à se justifier. Dans ce cas, il doit indemniser le sortant du fait de son éviction.

Pas le succès escompté

Très attendu, le bail cessible n'a pas rencontré le succès escompté auprès des propriétaires. « Il souffre de nombreuses insuffisances, analyse Emmanuel Clerget. Mais la loi de modernisation de l'agriculture de 2010 a levé les deux plus gros obstacles à la conclusion d'un tel bail. » A commencer par celui relatif au loyer du bail cessible. Celui-ci est fixé librement entre les minima et les maxima prévus dans l'arrêté préfectoral. Les parties peuvent cependant majorer les maxima de 50 %. La loi de modernisation de l'agriculture de 2010 a précisé que cette majoration s'applique aux maxima des baux à long terme (incluant un supplément), et non des baux ordinaires.La possibilité de céder le droit au bail a pour corollaire l'admission du pas-de-porte en agriculture. A l'origine, le versement d'un pas-de-porte n'était légalisé qu'au moment de la cession du bail. Désormais, le propriétaire est en droit de le demander à la conclusion du bail. « La perspective de devoir payer une indemnité en cas de non-renouvellement sans avoir le droit de percevoir un pas-de-porte lors de la conclusion du bail était de nature à dissuader les bailleurs de recourir au bail cessible. Cet obstacle vient d'être levé », conclut Emmanuel Clerget, qui relève toutefois toujours des lacunes (lire ci-dessous).

Safer écartéeu Le statut du fermage s'applique dès lors que le régime spécifique du bail cessible ne lui est pas contraire.uSi le bail cessible a plus de trois ans, la Safer est privée de son droit de préemption et le preneur, toujours prioritaire, ne peut contester le prix de vente devant le tribunal.

 

expert

 

emmanuel clerget

notaire à la charité-sur-loire (nièvre)

« Des interrogations subsistent sur l'indemnité d'éviction » « A l'échéance, le propriétaire peut librement mettre fin au bail cessible. En contrepartie, il doit verser une indemnité d'éviction. Son évaluation correspond au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Les modalités de calcul de cette indemnité mériteraient d'être clarifiées. Cette charge est d'autant plus lourde pour le bailleur qu'elle peut se cumuler avec une créance pour améliorations. Sur un certain nombre de points (interdiction de chasser, de labourer, répartition des primes d'assurance...), les parties sont libres de fixer les conditions de leur partenariat mais après accord de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux. Ce formalisme apparaît inutile d'autant plus qu'un notaire intervient à l'acte. Enfin, le bail cessible offre les mêmes avantages fiscaux que le bail à long terme en matière de droits de mutation à titre gratuit et d'impôt sur la fortune. Une fiscalité différenciée le rendrait plus attrayant. »