Je suis la génération sacrifiée, celle qui doit financer son foncier. Ça ira mieux pour mes enfants. » Christophe Huyghe n'a pas ménagé ses efforts pour se retrouver à la tête d'une exploitation céréalière de 110 hectares à Rampillon, à une cinquantaine de kilomètres de la ferme familiale. L'histoire, déjà évoquée dans La France agricole (1) mérite d'être contée.Fils d'agriculteur, Jean-Christophe a toujours voulu être paysan. Mais la ferme familiale, reprise par son frère, n'était pas assez importante pour accueillir une seconde installation. Alors Jean-Christophe, après des études d'ingénieur agricole à l'école de Purpan, a exercé plusieurs métiers. Il a d'abord géré une exploitation voisine de la ferme familiale pendant trois ans et demi. Mais la reprise n'a pas été possible. Il s'est ensuite lancé dans l'arpentage cartographique en créant sa propre société. Au bout de six ans, il se rend compte que l'affaire ne peut plus se développer. Il revient au travail de la terre en 2002 comme chef de culture dans une grande structure picarde. « La maladie d'un chef de culture, c'est de vouloir être chez lui, poursuit Jean-Christophe. Cette expérience m'a dopé pour formaliser mon projet. » Dès lors il va tout mettre en oeuvre pour réaliser son rêve. Il suit le stage d'installation à Beauvais : « sur douze stagiaires, j'étais le seul à ne pas avoir d'exploitation. » Pour dénicher la sienne, il entame un travail de prospection en faisant appel au réseau des clients qu'il avait connus lorsqu'il effectuait des arpentages. Il écrit à cent quinze d'entre eux pour expliquer sa démarche et leur demander s'ils ont un projet de cession hors cadre familial de leur exploitation. Il reçut quinze réponses, dont trois positives.course contre la montreNous sommes en 2006. Sur les trois propositions, deux étaient à conclure pour 2009. Or, le temps pressait car Jean-Christophe, à l'aube de la quarantaine, devait signer en janvier 2007 pour ne pas perdre les aides à l'installation. Restait une offre qui convenait : une ferme de 110 ha de bonnes terres, d'un seul tenant, en Seine-et-Marne. L'occasion rêvée ! Mais l'affaire n'est pas simple, il y avait une double indivision à régler. Neuf mois ont été nécessaires pour aboutir. « Je tenais à cette ferme, j'étais de la région, explique-t-il. Heureusement, les propriétaires voulaient céder à un jeune agriculteur. » Un accord est trouvé : les propriétaires garderont 32 ha en propriété qui seront loués à Jean-Christophe, à charge pour lui de financer l'acquisition du matériel, des bâtiments et de 70 ha. Mais l'agriculteur ne peut supporter une telle charge financière. Il décide de prospecter auprès de son réseau de connaissances pour lever les fonds nécessaires dans le cadre d'un GFA investisseur. « Je reproduis le schéma de mon père, qui a financé l'achat de sa ferme grâce à un GFA mutuel. Il a été très engagé dans ce mouvement. »410 000 euros étaient nécessaires à l'acquisition de 70 ha. Jean-Christophe devait financer le reste. Il adressa trois cent soixante lettres personnalisées pour expliquer son projet afin de solliciter une souscription, en soulignant les avantages d'investir dans de la terre. « Il fallait vendre le projet, j'avais l'impression d'être en campagne électorale. » Il finit par réunir quarante et un associés et boucle son budget pour signer dans les premiers jours de l'année 2007. « C'était une vraie course contre la montre. J'ai eu la chance d'arriver au bon moment, de rencontrer les bonnes personnes et de trouver les bons arguments », résume Jean-Christophe, qui a pu s'appuyer sur un projet crédible pour bénéficier de la confiance de ses souscripteurs.
(1) Voir La France agricole du 15 juin 2007, Cas de gestion.
Les résultats
• Répartition du produit
Prix de vente à la ferme des pommes de terre Monalisa : 0,45 €/kg (sac de 10 kg)Charlotte : 0,70 €/kg} Produit brut 2010 : 199 000 €} Charges opérationnelles : 66 221 € } Marge brute globale : 133 015 €} Marge brute blé : 1 090 €/ha} Marge brute betteraves : 1 292 €/ha} Charges de structure : 129 810 €} Evolution EBE
Une rentabilité de 4,66 % par an sur quinze ans
Le Groupement foncier agricole (GFA) investisseur permet de réunir des fonds pour acquérir de la terre au sein de la société qui la loue à l'exploitant. Jean-Christophe est à la fois fermier des terres appartenant au GFA (par bail de dix-huit ans) et gérant du groupement. Le prix de souscription de la part était de 2 000 e. Les investisseurs reçoivent chaque année une rémunération de leur part (représentant le fermage) de 2,5 %. Par ailleurs, une revalorisation des parts en fonction de l'évolution du prix du foncier est prévue. La part est aujourd'hui à 2 100 e. Au bout de quinze ans, compte tenu de la revalorisation des parts, les investisseurs peuvent compter sur une rentabilité moyenne annuelle de l'ordre de 4,66 %.