témoinJean-marie Gilardeau est maître de conférences à l'université de poitiers

 

«Le statut du fermage a de beaux jours devant lui. L'heure est à l'encadrement des contrats de commercialisation, spécialement dans les secteurs du lait et des fruits et légumes. Il serait paradoxal de démanteler le statut du fermage qui garantit à l'exploitant stabilité et sécurité. La liberté contractuelle n'est opérante que si les contractants sont libres, égaux et fraternels. En pratique, c'est rarement le cas. Et l'Etat est condamné à intervenir pour équilibrer les rapports entre les parties. Reste que le statut gagnerait à être revu, en particulier dans les domaines du droit de préemption du preneur, des formalités préalables à la réalisation d'améliorations et des modalités de fixation du loyer. « L'artificialisation des sols est devenue une tarte à la crème autour de laquelle nombreux sont les convives. Ni la modeste taxation des plus-values, ni l'observatoire de la consommation du foncier ne suffiront à enrayer le processus. La solution serait soit en un zonage pur et dur, soit en un contrôle systématique du changement d'affectation du sol. S'agissant de la première mesure, les zones agricoles prioritaires (ZAP) n'ont pas été couronnées de succès. Peut-être conviendrait-il d'expérimenter un contrôle comparable à celui institué en matière agricole. Tout changement de destination d'une parcelle serait subordonné à l'obtention d'une autorisation préalable délivrée par une commission composée de représentants de l'Etat, d'élus locaux et de membres de la société civile. A l'issue de discussions aussi démocratiques que possible, une répartition de l'espace entre les potentiels utilisateurs pourrait être opérée. « La terre est une denrée rare qui sert de support aux fonctions primordiales que sont l'alimentation de la population, l'aménagement du territoire et la conservation des ressources naturelles. Dès lors, l'absolutisme de la propriété individuelle tel qu'il résulte de la Révolution française et continue de figurer en bonne place dans notre arsenal juridique est-il toujours d'actualité ? Est-il raisonnable d'accepter que le propriétaire, titulaire du droit d'abuser des biens dont il est le maître, puisse décider seul de l'avenir du sol lui appartenant ? « Une piste de réflexion est constituée par le recours à la notion de patrimoine commun. Dès 1992, l'eau a été élevée au rang de « patrimoine commun de la nation ». Le moment est peut-être venu d'adopter une position identique vis-à-vis du sol. Il ne s'agirait pas de transférer l'actuelle propriété à une entité publique (Etat, département, commune). Il est question de la diviser entre, d'une part, une sorte de nue-propriété destinée à être commune à tous et, d'autre part, la jouissance qui conserverait un caractère individuel, à charge pour le bénéficiaire de ne pas altérer la substance des immeubles dont il aurait l'usage. « La propriété commune n'est pas inconnue du monde rural : elle gouverne les associations syndicales de propriétaires, qu'elles soient libres (ASL), autorisées (Asa) ou constituées d'office (Asco). Le foncier doit être placé au centre des débats. A la périphérie des villes, le combat fait rage en vue de l'occupation des lieux, d'autres secteurs géographiques, moins favorisés, sont en voie de désertification. Dans le même temps, il est demandé aux campagnes de contribuer activement à la lutte contre le réchauffement climatique, à la fourniture d'énergies renouvelables, au bon état écologique des eaux, à la préservation de la biodiversité. Voilà qui nécessite une prise de conscience, annonciatrice de réformes radicales.J.-M. NOSSANT