• Pour compenser les dégâts environnementaux causés par la construction de l'autoroute A 406, des mesures de protection de la faune et de la flore ont été mises en oeuvre pour 270 ha de prairies du Val de Saône. Conformément à la réglementation de « compensation environnementale », le maître d'ouvrage doit corriger par une action positive l'impact négatif de son infrastructure sur le territoire. La qualité des propositions soumises à la Commission nationale de protection de la nature (CNPN) est déterminante pour obtenir l'autorisation de commencer les travaux. Alors les maîtres d'oeuvre font presque de la surenchère.

 

• Pour réaliser le contournement au sud de Mâcon, la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) a promis de compenser la destruction de 22 ha de zones à « haute valeur écologique » par la mise en place de mesures environnementales contractuelles sur 270 ha de prairies humides entre l'Ain et la Saône-et-Loire. Le tracé de l'autoroute traverse plusieurs zones protégées ou inventoriées. Sollicitées par l'intermédiaire de la chambre d'agriculture pour le compte du maître d'ouvrage, quinze exploitations du Val de Saône ont contractualisé des surfaces de 2 à 27 ha. Le Gaec de Niermont, à Bagé-la-Ville, produit 1,15 million de litres de lait sur 330 ha. Il s'est engagé sur des pratiques favorables à la nidification du râle des genêts, un oiseau protégé au plan européen. Le contrat signé pour vingt-quatre ans porte sur 23 ha de prairies naturelles. Sur ces parcelles inondables, les agriculteurs ne peuvent plus intervenir qu'à partir du 15 juillet. Le fourrage fauché doit être obligatoirement évacué de la parcelle. Le déprimage et l'épandage d'engrais sont prohibés. Le contrat, signé fin 2008, prévoit une indemnisation de 500 euros par hectare et par an. « Les mesures étaient compatibles avec notre système d'exploitation », note Thibaut Robin (en photo), l'un des quatre associés du Gaec.

• Installé à Grièges, douze ki- lomètres plus au sud, Olivier Ravinet n'a pas souhaité entrer dans le dispositif, malgré son intérêt financier. « Je garde la liberté de faire les foins en temps voulu (le 10 juin habituellement) et je profite des repousses de début d'automne. » Pour cet éleveur laitier (268 000 litres sur 101 ha, dont 58 de Scop), cette logique de compensation environnementale pénalise l'agriculture productive : « En plus de la perte directe de foncier, elle supporte les conséquences de la détérioration de l'environnement, alors qu'elle n'y est pour rien. » La chambre d'agriculture s'interroge : « La compensation se fait au détriment des seules surfaces agricoles. La loi protège l'environnement, mais elle protège aussi le foncier agricole. Nous aimerions que les autorités soient aussi exigeantes que la LMA le prévoit. » Dans l'Ain, où au moins 1 000 ha de terres agricoles disparaissent chaque année, il est urgent de trouver un nouvel équilibre entre enjeux environnementaux, économiques et agricoles. Pour limiter le gaspillage, on peut privilégier les « fuseaux en jumelage », c'est-à-dire les aménagements des axes routiers et ferroviaires en parallèle, sans perte de terrain, et réhabiliter des friches industrielles et urbaines. Reste à payer le coût de dépollution et de déconstruction de ces sites.