Prise dans une avalanche caprine, la factrice d'Azay-le-Brûlé, dans les Deux-Sèvres, stoppe sa mobylette et sourit. Les chèvres poursuivent leur marche vers le chemin creux en contrebas pour gagner le pâturage.
Pas moins de 240 saanen et alpines mélangées, parmi lesquelles se trouve même une poitevine. C'est le troupeau atypique de Marie-José et François Guillot, et de Laurent Souchet. Dans une région où la grande majorité des éleveurs caprins livrent à une laiterie, les trois associés ont opté pour la production de fromage fermier. Et en bio.
François s'est installé le premier en 1992, à la suite de ses parents, avec des vaches laitières, allaitantes, et des chèvres. Il n'est pas toujours simple de conduire trois productions sur 60 ha. Très vite, il a donc revu l'organisation de l'exploitation. Aujourd'hui, il ne reste que le troupeau caprin.
Sa femme, Marie-José, l'a rejoint en 1994 comme conjointe d'exploitation. Quatre ans après, la conversion en bio a démarré: vaches allaitantes et terres d'abord, chèvres ensuite.
Les raisons de cette conversion relèvent tout d'abord de convictions. Mais celles-ci ont été renforcées par les ennuis de santé de François, qui suivaient les traitements sur les cultures.
Montée en puissance
Avec l'installation de Marie-José, en 2001, la transformation fromagère a commencé. «La laiterie nous a accordé une référence et garanti un prix. Mais la gamme bio, dont elle avait parlé, n'a jamais été lancée. Elle nous payait le lait au prix du bio, mais le vendait en conventionnel. Nous craignions que cela s'arrête.»
Dans l'incertitude, le couple a opté pour la production fermière. «La charge de travail est toutefois devenue plus importante avec la transformation. Nous avions envie de nous libérer du temps pour nous, pour les enfants…»
Un troisième associé, ami de longue date, a rejoint le Gaec en 2007. Laurent Souchet a quitté avec plaisir l'usine où il rongeait son frein. Cette année-là, une nouvelle fromagerie a été construite et des alpines achetées «pour améliorer le rendement fromager».
La transformation a ouvert de nouveaux horizons. Avant de s'installer, Marie-José était employée au contrôle laitier. Avec le travail à la ferme et le fait de livrer à une laiterie, elle avait le sentiment de perdre le lien avec le monde extérieur. «J'avais l'impression que nous nous renfermions.»
La production de fromage et la vente en direct ont changé la donne. «C'est un autre métier. Et c'est un plaisir de mener le produit jusqu'au bout.»
Les trois associés sont interchangeables dans le travail de l'exploitation comme dans la commercialisation des fromages. Chacun a cependant son marché attitré. «Mais s'il m'arrive de remplacer Marie-José ou Laurent, les clients s'inquiètent», constate François.
L'aménagement du nouvel atelier de transformation a permis d'augmenter la production. «Nous avions des demandes auxquelles nous ne pouvions pas répondre, faute de place», observe Marie-José. Aujourd'hui, les trois associés ne transforment encore qu'une partie du lait de leur troupeau.
L'excédent est vendu à une autre coopérative, Sèvre et Belle, qui a mis en place une filière bio pour ses fromages. Mais ils souhaitent monter en puissance pour, à terme, tout transformer à la ferme.
Et ils ne comptent pas en rester là. La nouvelle fromagerie à peine mise en service, Marie-José parle de faire vivre le point de vente sur l'exploitation, de créer un camping à la ferme, d'organiser des soirées de dégustation...
1. Gaec. Installé en 1992, François Guillot (à droite) n'a conservé que le troupeau caprin de l'exploitation de ses parents.En 1994, il a été rejoint par Marie-José, sa femme, conjointe de l'exploitation avant de s'installer en 2001. Puis en 2007, Laurent Souchet, un ami de longue date, est devenu le troisième associé du Gaec.
2. Production fromagère. Avec le travail à la ferme et la livraison à une laiterie, Marie-José avait le sentiment de perdre le lien avec le monde extérieur. La production de fromage et la vente en direct ont changé la donne. «C'est un autre métier. Et c'est un plaisir de mener le produit jusqu'au bout.»
3. Bio. Le troupeau, qui compte 240 chèvres et 90 chevrettes de races saanen et alpine, est conduit en bio. La gestion du pâturage est très surveillée et très technique.
Un pâturage très technique La production caprine bio passe par le pâturage. «C'est très technique», souligne François Guillot. D'autant plus que les chèvres sont particulièrement sensibles aux parasites. Pour éviter ces problèmes, des analyses copro sont réalisées fréquemment. Les animaux reçoivent un antiparasitaire phytothérapique en début de saison, et un autre, conventionnel cette fois, au tarissement. Toujours pour éviter les parasites, il pratique le pâturage tournant au fil et change les animaux de parcelle tous les 21 jours. |
L'exploitation : Gaec de la plaine de Foumard, à Azay-le-Brûlé, dans les Deux-Sèvres Surface : 70 hectares, dont - 20 ha de prairie permanente, - 28 ha de prairie temporaire, dont 8 utilisés en pâture - 15 ha de céréales consommées par les chèvres Cheptel : - Caprin : 240 chèvres, 90 chevrettes, 6 boucs - Bovin : 5 vaches allaitantes, 1 taureau, 5 génisses Production caprine :- Moyenne par chèvre et par an : 550 à 600 litres |
Les résultatsPrix du lait transformé : 1,99 €/litre Prix moyen du lait livré à la coopérative : 0,72 euro/litre, dont 14 centimes de valorisation Marge brute par chèvre : 231,77 euros Investissements : - Chèvrerie : 106 000 euros - Fromagerie : 120 000 euros, dont 25 000 € de subventions de la région Produit total : 146 064 euros, dont 97 906 € de produit chèvre Marge brute caprine : 55 625 euros EBE : 36 886 euros |