«Depuis 1992, je misais sur le blé dur en monoculture. En zone traditionnelle, avec une prime de 640 euros par hectare, c'était la production la plus rentable en non-irrigué. Sur 180 hectares, j'avais stabilisé le rendement autour de 50 q/ha. Maintenant que les primes sont découplées à 75%, les autres cultures ont retrouvé de la compétitivité. Je vais revenir à une rotation et me faire plaisir en améliorant les rendements. En blé dur, je devrais regagner 6 ou 7 q/ha», affirme Robert Mélix. Avec sa femme Brigitte, il cultive 220 hectares à Souilhe, dans l'Aude. En 2004-2005, leur assolement était composé de 180 ha de blé dur, 10 ha de tabac, 10 ha de pois et 20 ha de jachère. En 2005-2006, ils ont introduit 10 ha de colza et arrêté le tabac, ne diposant pas de matière active pour lutter contre la cicadelle qui s'est installée dans la région. En 2006-2007, ils ont semé 40 ha de colza et 150 ha de blé dur, auxquels s'ajouteront 20 ha de tournesol et 10 ha de jachère.

 

Améliorer les marges

«Je n'avais jamais cultivé de colza, précise Robert. C'est une culture très technique, avec des interventions bien définies aux différents stades. J'ai suivi les conseils des spécialistes et j'ai récolté 36 q/ha en 2006. Le blé dur bénéficie d'une prime couplée de 170 €/ha, le colza de seulement 70 €/ha. Mais si j'obtiens 7 q/ha de plus sur le blé dur qui suit le colza, valorisés à 140 €/t, je récupère ce handicap de 100 €/ha.»

Pour le colza et le blé dur, les charges opérationnelles sont de 330 €/ha. En 2006, avec un rendement de 47 q/ha et un prix de vente de 170 €/t, le blé dur a dégagé une marge de 639 €/ha. Le colza, avec 36 q/ha valorisés à 256 €/ha, l'a devancé avec une marge brute de 661 €/ha. Cet automne, Robert a semé deux parcelles de 25 et 14 ha de colza, sur le haut des coteaux. Dans les creux, il va implanter du tournesol. «Sur des sols profonds qui portent du blé dur depuis dix ans, j'espère approcher les 30 q/ha», ajoute-t-il.

L'évolution des surfaces dépendra de celle des marges. Pour préserver la rentabilité du colza, il faut attendre trois ans avant de revenir sur une parcelle. «Le pois donne des rendements aléatoires. Le sorgho augmente les risques d'accumulation de mycotoxines sur le blé dur qui suit. Avec le blé tendre, je peux gagner 100 €/ha en utilisant des semences de ferme. Le rendement dépasse de 15 à 20 q/ha celui du blé dur, et nous sommes près de l'Espagne pour exporter. Je vais essayer d'enchaîner colza, blé dur, blé dur et blé tendre avant de revenir au colza», conclut Robert.

 

Bonne fenêtre climatique

«Le printemps et l'été deviennent secs. Nous allons privilégier les cultures d'hiver, pour ne pas avoir à irriguer», affirme Robert. Ce changement climatique n'a pas que des inconvénients. Trouver la bonne fenêtre pour intervenir au champ devient plus facile.

 

 

Revenu: un nouvel équilibre à trouver

En misant sur le blé dur, Robert et Brigitte Mélix ont optimisé leurs DPU, qui devraient approcher 420 €/ha. Ils vont également récupérer des DPU pour les 10 ha de tabac. Celui-ci représentait 25% de leur revenu. Le départ de leur salarié a permis de réduire les charges. «En revenant à une rotation, nous avons étalé le travail dans l'année. A deux, nous devrions tout faire sans problème», souligne Robert. Depuis qu'ils ont arrêté le tabac et l'irrigation, Robert et Brigitte ont plus de temps pour s'intéresser aux marchés. Une bonne partie du travail se fait désormais devant l'ordinateur. «Le blé dur est stocké à la ferme et nous suivons les cours pour choisir le moment de vendre. Nous venons de faire une formation sur les marchés à terme pour le colza. L'objectif est de sécuriser les ventes tout en optimisant les prix», explique le couple, qui espère ainsi maintenir son revenu.