Les mammites constituent la maladie la plus importante en élevage laitier. Pourtant, les vétérinaires n'interviennent que dans 5% des cas cliniques, essentiellement les cas graves ou récidivants. Et pour cause: la majorité des traitements est conduite par les éleveurs eux-mêmes, sans cadre bien défini. L'absence de diagnostic de troupeau est donc de règle, avec à la clé la prescription de spécialités réputées couvrir toutes les espèces bactériennes susceptibles d'être en cause. Cette pratique, qui séduit par sa simplicité, est peu efficace et de moins en moins acceptée par les consommateurs.
Une alternative existe pourtant. Elle consiste à chercher à identifier la bactérie dominante dans le troupeau. Cette approche dite épidémiologique s'opère en duo avec son vétérinaire, à partir de l'analyse des documents d'élevage (laiterie, contrôle laitier, registre d'élevage), des informations cliniques sur le troupeau, ainsi que l'analyse des facteurs de risques (hygiène de la traite, bâtiment…). Le praticien considérera alors le troupeau comme étant le malade, identifiera l'espèce bactérienne dominante, la proportion des nouvelles infections et des infections persistantes, la localisation bactérienne. Et ce, afin de mettre en place un plan de traitement (méthode GTVpartenaire).
Etablir un plan, c'est d'abord choisir un traitement efficace vis-à-vis du type d'infection dominant. C'est ce qui déterminera l'efficacité globale à l'échelle du cheptel, tout en sachant que, de temps en temps, le traitement sera appliqué avec une efficacité réduite sur des infections qui ne correspondent pas à la cible. On observe également, grâce à ce ciblage, un meilleur taux de réussite des traitements en première intention et une diminution des échecs.
Programmer les analyses «bactério» dans un contexte troupeau
Cette approche épidémiologique est, à l'évidence, à préférer aux analyses bactériologiques parfois retenues par des éleveurs pour tenter de résoudre un souci de mammites cliniques au cas par cas. Certes, l'examen bactériologique permet d'identifier l'espèce bactérienne en cause, mais le résultat n'est disponible qu'après la mise en oeuvre du traitement. De plus, le coût reste un facteur limitant important. L'approche au cas par cas est donc difficile à mettre en pratique, coûteuse et inefficace pour les mammites cliniques. Vouloir optimiser le traitement de chaque cas pris indépendamment aboutit le plus souvent à des taux de guérison médiocres à l'échelle du troupeau.
L'approche par analyses bactériologiques est, en revanche, indiquée pour confirmer ou infirmer le type d'infections dominantes lorsque l'analyse épidémiologique n'est pas parlante. Une flambée inattendue de mammites cliniques, l'échec répété des traitements peuvent aussi justifier l'utilisation de la bactériologie. L'important est que le sondage réalisé corresponde bien à un échantillon représentatif des quartiers infectés du troupeau.
La liste des bactéries et micro-organismes pouvant être responsables de mammites est toutefois longue. Les résultats obtenus à partir des quelques quartiers prélevés ne permettent pas de tirer des conclusions intéressantes sur les espèces bactériennes présentes dans l'exploitation. Un des pièges à éviter est donc de se limiter, pour des raisons de coûts, à quelques analyses bactériologiques pour identifier la bactérie dominante. Si l'échantillon de quartier prélevé est trop petit ou mal choisi, on risque de passer à côté du type d'infection dominant dans le troupeau.
Information incomplète
En cas d'identification certaine, les résultats n'apportent pas non plus toutes les informations escomptées. Ainsi, l'identification majoritaire de «Streptococcus uberis» lors d'une série d'analyses ne permet pas de dire s'il vient de l'environnement ou de la mamelle. De plus, l'analyse bactériologique n'apporte pas de précision quant à l'ancienneté de l'infection. Par conséquent, la localisation probable de la bactérie ne peut être identifiée, cette dernière conditionnant le choix de la molécule et la voie d'administration. Les prélèvements doivent enfin être réalisés par ordre chronologique d'apparition et non par gradation de gravité.
Attention à la qualité des prélèvementsLa qualité des prélèvements est déterminante. A partir de trois espèces bactériennes isolées d'un échantillon, celui-ci doit être considéré comme contaminé et il est impossible de conclure. Pour deux espèces isolées, l'interprétation est délicate et on doit suspecter une contamination si une proportion importante des échantillons est dans cette situation. Les éleveurs sont tout à fait aptes à réaliser ces prélèvements aseptiques avec de la méthode et un petit apprentissage. Cela pose également le problème des résultats stériles. Cela concerne «Staphylococcus aureus», qui peut se localiser dans les globules blancs et ou dans les profondeurs du parenchyme mammaire et pour «E. coli», absent lors de guérisons bactériologiques spontanées ou bien à cause de la sévérité de la réaction inflammatoire. |
DAVID HOLLERTT: «On peut en venir à bout»Avec la démarche GTV partenaire, David Hollertt a revu le plan de traitement, l'hygiène de traite et le logement des laitières.«La mammite, la bête noire de tous les éleveurs, ce n'est pas une fatalité. Mon objectif d'un lait à moins de 200.000 cellules est à portée de main», affirmeDavid Hollertt, éleveur dans la Thiérache ardennaise. Depuis des années, la SCEA de la Champagnerie est confrontée à un niveau de cellules élevé: sur trente-huit comptages de tank en 2006, quatre étaient inférieurs à 200.000 c/ml et onze à 250.000 c/ml. A aucun mois, l'objectif de plus de 85% des VL en deçà des 300.000 c/ml n'est atteint, mais se situe sur l'année à 75%. 10% des primipares sont au-delà de ce seuil et les pics à plus 800.000 c/ml, voire plus, sont à 9%. Avec pour conséquence un nombre croissant de mammites. Sans autre problème sanitaire majeur, l'éleveur n'a pas immédiatement adhéré à la démarche GTV partenaire. Scénario récurent: 20 mammites sur novembre et décembre. Pour le tarissement, David utilisait des produits non ciblés, changeant à son gré et sans plan de traitement. Jusqu'à l'an dernier. «J'étais au pied du mur», avoue-t-il. Trois examens bactériologiques effectués n'ont pas apporté d'éléments de réponse. L'analyse épidémiologique réalisée par mon vétérinaire permet d'identifier l'origine mammaire des infections, de proposer un plan de traitement et de travailler sur les facteurs de risques. D'abord au tarissement. Cette saison, les premières vêlées affichent toutes moins de 150.000 c/ml, preuve que le changement de molécule a été efficace. L'hygiène de traite a été revue. La mousse désinfectante essuyée au papier remplace la lavette individuelle... Après une vache à mammite, la griffe est trempée dans un mélange désinfectant, puis les gobelets sont rincés au jet. Le produit de trempage d'après-traite est adapté à l'aire paillée. Les comptages cellulaires au tank ont nettement baissé à la mise à l'herbe: 272.000 en avril, 237.000 en mai , contre 350.000 et 280.000 à la même saison en 2006. Il n'y a eu depuis que deux mammites, récidivistes de l'hiver. Il reste le bâtiment. Car ces épisodes de mammites cliniques ont eu lieu avant qu'uns ilo de maïs situé sous abri ne se libère et augmente la surface destinée au couchage des animaux. Celle-ci est passée de 5 à 8 m2/VL. Les vaches taries et les génisses à saillir vont être logées ailleurs. Les laitières auront, dès l'entrée à l'étable, un espace suffisant. Un fil électrique va être installé le long de l'aire paillée pour retarder le couchage après la traite. Grâce à l'analyse épidémiologique, le plan de traitement défini l'hiver dernier pour les vaches en lactation et au tarissement et visant les streptocoques (bactéries présentes en majorité) sera reconduit. Le plan indique quels médicaments et quelles voies d'administration utiliser en cas de mammites, de rechutes ou de récidives. Conclusion de l'éleveur: «Entre la perte de lait et le traitement, le coût d'une mammite est d'environ 70 euros. Le diagnostic vétérinaire est vite compensé par le recul des cas.» A cela s'ajoute la meilleure valorisation du lait. (Mireille Pinault) |