1 - Quelles sont les perspectives du métier d'agriculteur?

Paysan va redevenir le grand métier d'avenir.

Depuis vingt ans, on ne parle d'agriculture qu'en termes d'apocalypse. Il est toujours question de la fin des paysans. Or, certains signes annoncent au contraire un matin des paysans. D'où la nécessité d'un plan ambitieux pour que les paysans de France et d'Europe soient toujours là quand les moissons du futur vont arriver.

Avec l'Inde, la Chine ou l'Afrique du Nord, un marché va effet s'ouvrir. D'ici à 2025, ce sont 70 millions de bouches en plus par an qu'il faudra nourrir. L'enjeu est de taille si l'on considère la dégradation des sols (salinité, érosion, manque d'eau) et le potentiel de terres agricoles mondial, avec 4 milliards d'hectares dont 1,5 milliard d'hectares de terres cultivées et 277 millions seulement d'irriguées, limité au regard des besoins.

Il y a 6.000 installations aidées chaque année en France, il en faudrait le double. Pour cela, il faudrait 150 millions d'euros annuels. C'est 100 millions de plus qu'en 2007. Mais il y a un effort à faire. Si on ne le fait pas, d'autres comme le Brésil prendront la place.

2 - OMC: L'Europe doit-elle encore faire des concessions pour parvenir à un accord? Comptez-vous vous opposer à un accord qui léserait les intérêts agricoles français et comment?

Le commissaire européen au Commerce, l'Anglais Peter Mandelson, a lâché sur les restitutions aux exportations. Là, il a pratiquement lâché sur les droits de douane. L'Europe va accepter d'abandonner son agriculture exportatrice pour obtenir les marchés des services (assurance, banque, grande distribution). Elle risque de ne rien obtenir. C'est idiot de laisser mourir l'agriculture car le marché arrive. Et l'Europe a besoin d'être autosuffisante en matière alimentaire. Il faut donc remettre en cause la machine européenne.

Les AOC, par exemple, n'intéressent pas l'Union européenne. Nous avons inventé les AOC pour nos fromages, comme le roquefort, pour nos miels, nos oignons, nos ails, et bien sûr nos vins. Il faut les protéger par un registre international de notre propriété intellectuelle agricole.

Les USA et leurs alliés viticoles du Pacifique s'y opposent. Ils veulent que tombent dans le domaine public, sans protection, 22 appellations de vins. Avec rien moins que Beaujolais, Bourgogne, Médoc, Graves ou Sauternes réduits à de vulgaires génériques.

Il faut livrer la guerre à Genève pour protéger nos AOC.

3 - Faut-il encore une Pac après 2013? Certains trouvent que le budget de la Pac devrait être redéployé vers la recherche et l'éducation, êtes-vous de ceux-là?

On nous reproche d'attribuer 40% du budget européen à l'agriculture mais on oublie de dire que c'est la seule politique européenne. Oui, il faut une Pac après 2013. Mais la question est en veut-on une? A entendre les pays du nord de l'Europe, la réponse semble être négative. La Commission européenne s'est lancée dans le développement rural, le bio, les biocarburants. C'est du soin palliatif. Qui pendant ce temps va répondre à la demande alimentaire en Inde et en Chine? Le Brésil, l'Australie, la Nouvelle Zélande. Les restitutions aux exportations et les droits de douane sont indésirables. Si l'Europe veut une Pac quand même, il ne faut pas céder à l'OMC.

On ne peut pas à la fois, baisser les barrières douanières et être contre les OGM. Le vrai danger des OGM, c'est le brevetage du vivant, la dépendance juridique. Si la menace est sanitaire, pourquoi importer des animaux nourris au soja OGM en Europe? Nos politiques ne sont pas cohérents. S'ils veulent le libre-échange, il faut arrêter le bio et toutes ces normes pour les cages des poulets. On ne peut pas mettre sur une barque à la fois une chèvre et un chou.

4 - En 2008, l'examen à mi-parcours de la Pac doit-il se cantonner à un bilan de santé, évoluer vers une redistribution des aides ou se transformer en une réforme encore plus profonde?

Concernant l'examen à mi-parcours, on fait l'Europe ou on ne la fait pas. Il est aberrant de disposer d'un budget constant à 15 et à 27. On ne fera pas l'Europe en piquant les sous des agriculteurs. Il faut soit créer un impôt, soit faire un emprunt. Il faut être fou pour supprimer les agriculteurs, cela devrait être un problème central dans les débats.

Dans le traité de Rome, il y avait indirectement la préférence agricole communautaire pratiquée pendant vingt ans. Bruxelles a choisi de l'abandonner, par des accords de

libre-échange. Il y a eu alors des importations viticoles et agricoles massives au détriment, sur notre marché, de nos produits. Voilà pourquoi il faut que Bruxelles indemnise cette rupture

du contrat de préférence communautaire, avec un chèque annuel calculé sur la base des importations agricoles. Ce chèque financera en partie la baisse des charges.

5 - Faut-il développer les biocarburants industriels?

Oui, il faut développer les biocarburants. Mais il faut être conscient que cela restera du soin palliatif. Il y a une limite en termes d'espace et un problème de concurrence avec l'alimentation.

Il y a quelques années, le mot à la mode, c'était la multifonctionnalité, cela a été remplacé par les biocarburants.

6 - Etes-vous favorable au développement des bioénergies en circuit court? Dans les faits et au-delà des discours, on observe depuis de nombreuses années que beaucoup de «bâtons ont été mis dans les roues» de ces microfilières de proximité (tracasseries administratives, paperasserie et fiscalité dissuasives, tarif de rachat de l'électricité insuffisant). Vous engagez-vous à ce que le double langage cesse?

(*) biogaz, huiles végétales pures, chaudières polycombustibles, etc.

NDLR : Le candidat n'a pas apporté de réponse à cette question.

7 - Jusqu'où doit aller la prise en compte de l'environnement? Croyez-vous par exemple à une agriculture sans pesticides?

Tout le monde est favorable à la protection de l'environnement. Mais sans nitrate, Malthus aurait eu raison de nous. De plus, lorsque le consommateur réclame une agriculture sans pesticides, sans OGM et milite pour le bien-être animal, il faut qu'il soit conscient que la nourriture qui vient d'ailleurs contient des OGM, des animaux maltraités et des pesticides. Certains rêvent de payer les agriculteurs pour entretenir des paysages. Les paysans ne sont pas fous, ils ne le feront pas. Il n'y aura alors pas de pesticides mais il y aura des ronces!

8 - L'agriculture est-elle d'abord faite pour produire?

Oui, l'agriculture est d'abord faite pour produire.

9 - La France doit-elle cultiver des OGM?

NDLR : Le candidat n'a pas apporté de réponse à cette question.

10 - Que comptez-vous faire pour abaisser les charges pesant sur les exploitations agricoles?

Concernant les charges fiscales, des exonérations existent déjà pour la TIPP, la taxe foncière non bâtie et l'imposition sur les bénéfices. Nous proposons d'étendre et de généraliser progressivement jusqu'en 2012 les exonérations fiscales. Au-delà des carburants, c'est la taxe foncière non bâtie qu'il faut définitivement supprimer. Globalement, ce qui reste aujourd'hui de la TFNB est de 800 millions d'euros.

Les communes rurales bénéficiaires de cette TFNB verront leur perte de recettes compensée par une augmentation de la DGF soit par une compensation de l'exonération comme sont déjà compensées les exonérations de taxe professionnelle (part salariale) et les exonérations de taxe d'habitation. Dans un premier temps, l'exonération de taxe foncière non bâtie sera limitée aux agriculteurs sinistrés par les calamités climatiques, aux agriculteurs endettés, aux agriculteurs de montagne aux agriculteurs bio…

Pour l'année 2008, l'enveloppe d'exonération sera de 80 millions d'euros.

Concernant les charges sociales qui représentent 2,7 milliards d'euros, nous proposons de commencer par exonérer les petites exploitations à faible bénéfice et les exploitations en difficulté pour atteindre progressivement sur cinq ans la totalité des exploitations. Pour 2008, l'enveloppe d'exonération sera de 400 millions d'euros.

11 - Etes-vous favorable à une TVA sociale en agriculture?

La TVA sociale est une ineptie.

Nous sommes favorable à des barrières douanières déductibles. Quand la Chine nous vendra pour un milliard de produits, elle sera taxée à 30 %, soit une somme de 300 millions qu'elle pourra utiliser pour acheter en Europe. Ce système résout le problème des délocalisations de nos entreprises et des importations de produits étrangers à des prix de dumping.

Il faut convaincre Bruxelles de mettre sur la table des négociations de l'OMC cette invention du crédit douanier déductible. Son adoption, par les 149 Etats de l'OMC, permettrait de concilier la nécessité du commerce international et la protection notamment de nos productions agricoles.

12 - Que comptez-vous faire pour maintenir les services publics en milieu rural et développer la couverture des campagnes par les moyens modernes de communication?

Il y a un fonds d'intervention pour la ville (FIV), il faut un fonds d'intervention pour les campagnes (FIC) qui rassembleraient des budgets jusqu'ici éclatés entre différentes institutions. Au nom de l'égalité entre tous, aux aides pour les jeunes rappeurs doivent correspondre des aides pour les jeunes sur leur tracteur.

Ce fonds aura pour mission d'assurer l'équité territoriale pour que nos ruraux, jeunes, familles, personnes âgées… bénéficient de la même qualité de services publics que celle offerte aux urbains. Ce FIC financerait ainsi le maillage des campagnes en services publics, l'équipement de proximité sociale pour les mères de familles avec crèches, halte-garderie, des équipements sportifs pour les jeunes, la couverture ADSL et en moyen de communication, une politique du logement équivalente à celle faite pour les banlieues afin de permettre aux agriculteurs la rénovation de leur habitat, l'équipement en maisons de retraite et aides à la personne pour les ruraux âgés. Budget: 200 millions d'euros.

13 - Que proposez-vous pour enrayer le grignotage des terres agricoles?

La vente d'un hectare de terre aux Pays-Bas permet d'en acheter dix en France. Autre exemple, en 2005, le prix moyen d'un logement était de 283.825 euros en Grande-Bretagne contre 176.000 euros en France. Cette différence de 107.000 euros constitue, pour l'acheteur anglais en France, une plus-value d'aubaine.

C'est d'ailleurs toute l'Europe du Nord qui vient acheter en France, et aussi en Sicile ou en Espagne. En 2004, ces achats étrangers en France représentaient 7% du total des transactions. Il y a là, sur le marché du foncier agricole français, autour de Bergerac, Carcassonne ou Limoges, un problème de spéculation, au détriment de nos jeunes agriculteurs aujourd'hui et de nos coûts sanitaires demain, qui exige un prélèvement de péréquation territoriale.

Ce différentiel du prix du foncier, entre nos territoires et les territoires d'origine des acheteurs, sera l'assiette de ce prélèvement. Sur lequel s'appliquera un taux d'égalisation du prix du foncier en Europe.

Ce dommage est d'autant plus grand que les Européens du Nord qui s'installent sont des retraités. Dans les vingt ans qui viennent, cette migration va entraîner des coûts très élevés en termes d'assistance médicale et d'aide à la personne. Il faut faire comprendre à Bruxelles que, via l'achat de nos terres agricoles, nous importons en réalité des quatrième âge potentiels et des consommateurs de services sociaux. Ceci doit être financé par Bruxelles au titre de la solidarité territoriale.

Nous proposons par ailleurs d'instituer un conservatoire du vignoble et des terres agricoles. Bâti sur le modèle du Conservatoire du littoral, il aurait pour objet d'éviter le hold-up financier sur le vignoble du sud de la France avec le bétonnage des vignes arrachées dans le Languedoc-Roussillon, le Midi-Pyrénées et partiellement l'Aquitaine. Le budget du conservatoire du littoral est de 35 millions d'euros pour protéger 100.000 hectares. Le budget du conservatoire du vignoble serait, au départ, d'une trentaine de millions. Financement qui proviendrait du prélèvement de péréquation territoriale.

14 - Faut-il revaloriser les retraites agricoles et si oui comment?

Le niveau des retraites agricoles est un véritable scandale. Pour mettre un chien en fourrière, il en coûte 10 euros par jour. Une veuve d'agriculteur ne reçoit même pas assez pour y aller.