Formation, stages : le dispositif bientôt rénové
L'Administration prépare un toilettage du principal bac pro pour l'accès aux aides à l'installation.
La rénovation, prévue pour la rentrée de 2008, concerne le principal diplôme scolaire donnant l'accès aux aides à l'installation: le bac pro Conduite et gestion de l'exploitation agricole (CGEA). Le brevet professionnel Responsable d'exploitation agricole (BPREA) de la formation pour adultes sera lui aussi réajusté. Le dernier coup de pinceau datait de 1996 pour le bac pro et de 1990 pour le brevet professionnel.
Pourquoi cette réforme? «Il s'agit de mieux préparer à la réalité d'un métier qui change. L'agriculteur de demain va devoir gérer des incertitudes économiques de plus en plus grandes, explique Jean-Louis Buër, directeur général de l'enseignement et de la recherche (DGER) au ministère de l'Agriculture. Il devra être apte à développer des activités complémentaires. Le futur installé le sera de moins en moins dans un cadre familial. Et les agriculteurs seront, en outre, plus souvent minoritaires sur le territoire rural. Enfin, les contraintes réglementaires vont rester très présentes. La formation doit permettre à ces futurs agriculteurs, qui s'installeront en moyenne près de dix ans après la fin de leur formation, d'avoir plus de cartes en mains», conclut le DGER.
Le bac pro CGEA conservera ses quatre spécialités (productions végétales, animales, du cheval et vigne et vin). Pas de gros changement en terme de volume horaire. Il s'agit d'introduire plus d'aspects économiques ou juridiques dans le tronc commun des formations. Des études de cas permettraient ainsi aux jeunes d'être mieux sensibilisés sur l'anticipation des changements, la commercialisation ou la gestion des relations humaines dans des installations souvent sociétaires. Le ministère insiste sur la pluridisciplinarité, le travail en groupe et le renforcement des modules d'initiative locale pour répondre à des besoins spécifiques.
Le niveau bac restera le minimum requis pour obtenir les aides. Il pourrait cependant être obtenu autrement qu'en passant le diplôme. L'objectif étant de faciliter la mise en oeuvre de la validation des acquis de l'expérience (VAE).
Personnalisation du parcours
Une rénovation des conditions de réalisation des stages de six mois et de préparation à l'installation (SPI) est en cours d'examen. Cette refonte doit être effective en 2007. L'idée est d'adapter les stages selon les publics, issus de formations agricoles ou non, en fonction de leur expérience professionnelle. Un tiers des jeunes installés le sont en dehors du cadre familial, 40% d'entre eux ont une formation supérieure et 30% des diplômes sont sans rapport avec l'agriculture, rappelle le ministère. D'où l'importance de partir de l'expérience du candidat. «Au final, certains auront besoin de huit mois de stage tandis que d'autres n'en feront plus», a expliqué Philippe Meurs, président des Jeunes Agriculteurs (JA) lors d'une réunion des maisons familiales, le 22 mars dernier, à Paris.
Pas de machines agricoles pour les jeunes de moins de 14 ansSelon un décret du 29 janvier 2007 relatif à l'accueil des élèves en stage, les moins de 14 ans ne pourront plus utiliser de machines agricoles, ni manipuler de produits dangereux. Des dérogations seront possibles pour la tranche des 14-18 ans. Ce texte fait suite à un accident qui avait impliqué un jeune lors d'un stage sur une exploitation en 2005 et pour lequel l'exploitant maître de stage avait été condamné. La signature d'une convention de stage entre l'établissement et l'entreprise d'accueil sera obligatoire. L'exploitant agricole devra continuer à souscrire une assurance spécifique pour garantir sa responsabilité civile. Le décret doit encore être précisé par un arrêté. |
Bac pro : ne pas s'installer trop jeune
L'obtention des aides nécessite le bac pro. Le précieux sésame en poche, certains s'installent, tandis que d'autres complètent leur formation en devenant salariés.
«La plupart de nos élèves n'aiment pas l'école, explique Pascal Borel, responsable des bac pro à la maison familiale de La Ferté-Macé (Orne). Mais ils ont des projets. Selon les promotions, de 60 à 90% de nos bac pro CGEA sont candidats à l'installation.» Certains se lancent à vingt ans, mais la plupart travaillent d'abord quelques années.
Engranger des expériences
Vingt ans et un bac pro, est-ce suffisant pour une installation réussie? «Après un Bépa et un bac pro CGEA, grâce aux stages, les élèves ont de la pratique, résume Pascal Borel. Qu'ils soient ou non issus du milieu agricole. Ils ont moins de compétences en gestion que des BTSA, mais ils ont de bonnes notions. Ce qui n'est pas forcément le cas avec d'autres bac pro.» Les bac pro CGEA réalisent en effet beaucoup d'études de cas pratiques. Ils travaillent sur la comptabilité de leur maître de stage.
«Un jeune a les compétences pour s'installer juste après un bac pro. Il s'agit le plus souvent d'installations en société dans un cadre familial. Le problème parfois, c'est l'âge et le manque de recul, nuance l'enseignant. En cas d'association avec un tiers, le minimum est de travailler pendant un an en tant que salarié pour voir si ça va coller», suggère-t-il. Pour ceux qui le peuvent, travailler quelques années à l'extérieur peut être profitable.
Témoignage: EMMANUEL HUVÉ, 26 ans, éleveur à Tessé-Froulay (Orne) J'ai préféré travailler que faire un BTSA «Après mon Bépa agroéquipements, j'ai choisi de préparer un bac pro CGEA en alternance à la maison familiale de La Ferté-Macé (Orne). Quinze jours à l'école, quinze jours en stage, le rythme me convenait mieux. J'ai ensuite été salarié trois ans chez mon maître de stage de Bépa avant de partir au Canada pour le stage de six mois. J'ai préféré travailler que faire un BTSA et je ne le regrette pas. En 2003, je me suis installé en Gaec avec mes parents. J'ai repris une petite exploitation laitière d'un oncle qui partait à la retraite. Mes parents s'arrêtent à la fin de l'année et je réfléchis à une association avec un tiers. En fait, j'ai appris au fur et à mesure. L'exploitant chez qui j'ai travaillé m'a impliqué sur les cultures. La mise aux normes m'a permis de me mettre à la maçonnerie avec mon père. J'adhère aussi au groupe «cultures» de ma chambre d'agriculture. Evidemment, en termes de gestion, quand je me suis installé, entre l'étude prévisionnelle d'installation et la mise aux normes, c'était assez différent de ce que j'avais appris à l'école! Mais le conseiller de gestion était là. Ma grosse surprise a été le suivi des papiers: cahiers d'épandage, phytos, suivi vétérinaire, identification... Ça prend du temps et c'est très scolaire... pour moi qui n'ai jamais eu la passion de l'école!» |
Témoignage: BERTRAND PERGEAUX, 20 ans, en bac pro CGEA à La Ferté-Macé (Orne) Je prends le temps pour m'associer Dans la famille de Bertrand Pergeaux, tout le monde est agriculteur, «sauf mes parents». Et depuis ses dix ans, Bertrand passe du temps à la ferme. «Après ma troisième, je me suis inscrit en Bépa Conduite de productions agricoles avant d'enchaîner sur un bac pro CGEA à La Ferté-Macé (Orne)», explique-t-il. Bertrand passe son diplôme en juin prochain. Il veut ensuite s'associer avec un cousin qui est également son maître de stage. «Si je devais être seul, demain, sur une exploitation, ce ne serait pas évident. A deux, c'est plus sécurisant. Mais avec mon cousin, nous nous donnons du temps pour voir si ça passe financièrement et aussi sur le plan humain.» Bertrand s'est déjà occupé des démarches pour valider une partie de son stage de six mois. Le temps de se rendre compte qu'il ne devait pas se cantonner à la pratique. «Les matières générales, la gestion ou le français, c'est important, je m'en rends compte en effectant les démarches pour mon installation.» |
BTSA : le choix des métiers
Le niveau bac + 2 permet de se débrouiller aussi bien dans le monde du travail que sur une exploitation.
Au lycée agricole privé du Val-de-Sarthe à Sablé, dans la Sarthe, les étudiants ont le choix entre deux BTSA: Acse ou productions animales. «Les candidats à l'installation choisissent en majorité Acse, plus costaud en gestion, explique Dominique Guyot, directeur du lycée. Cette année, ils sont quinze élèves. Tous souhaitent s'installer!»
Poursuite des études
Samuel Péan a 21 ans. Il fait partie de cette promotion et espère s'installer, d'ici à quelques années, sur l'exploitation de ses parents. Dans l'immédiat, il aimerait devenir salarié. «J'ai travaillé dans une coopérative lors d'un stage, dit-il. Cela m'a déjà permis de décrocher un job d'été et un temps partiel les samedis pendant l'année scolaire.» Il estime que le BTSA donne le choix de métiers variés en attendant l'installation. Gwenaël Leduc, lui, n'est pas fils d'exploitant. «J'ai fait un bac technologique STAE (1), résume-t-il. Je voulais gagner une année par rapport au cursus bépa-bac pro. Mais comme je ne suis pas né sur une exploitation, il me manque un peu de pratique. Avant de m'installer, j'ai besoin d'une expérience en tant que salarié.»
Après son BTSA Acse, Matthieu Poirier, un camarade de classe, réfléchit à une licence professionnelle tournée vers la commercialisation de matériels agricoles. S'il souhaite s'installer à terme, il espère qu'un niveau bac + 3 l'aidera à obtenir un emploi plus qualifié. «La licence présente un intérêt pour les futurs salariés, notamment par rapport au double BTS qui reste un bac + 2, explique Norbert Marc, enseignant au lycée du Val-de-Sarthe. Pour un jeune qui souhaite s'installer, il peut également être intéressant de suivre un certificat de spécialisation (CS). C'est une formation pratique de six à douze mois qui permet de se spécialiser sur une production, comme les produits fermiers, ou une matière, comme la gestion.
(1) Le bac sciences et technologies de l'agronomie et de l'environnement est ouvert aux élèves issus d'une seconde générale. Cette filière mène au BTS. Le bac pro est plus ouvert sur la vie active.
Témoignage : ANTHONY VEILLARD, 28 ans, à Précigné (Sarthe) J'apprends avec mes associés Anthony Veillard a toujours voulu s'installer. Après une seconde générale, ce fils d'éleveur laitier passe un bac STAE puis un BTSA Acse au lycée du Val-de-Sarthe. Dès sa première année de BTSA, il a une opportunité de reprise. Il empoche son diplôme en juin 1999 et s'installe un an après, le temps d'un stage sur sa future exploitation pour se familiariser avec l'élevage avicole. Depuis, son frère a rejoint le Gaec familial. «On pourrait passer des années à se former, dit-il. Mon frère, en complétant son BTSA Acse avec un certificat de spécialisation (CS) en mécanique (une formation pratique de quelques mois) et une expérience salariée, a ramené des idées. Mais le fait d'être installé à plusieurs permet d'apprendre des autres. Sur l'exploitation, nous travaillons beaucoup en binôme», explique-t-il. Quant au BTSA, il ne regrette pas de l'avoir passé. «C'est de l'expérience et c'est aussi deux ans de plus pour prendre de la maturité.» |
Témoignage THOMAS RÉZÉ, 27 ans, agriculteur à Auvers-le-Hamon (Sarthe) Le groupement d'employeurs a été le plus formateur Après sa troisième, Thomas Rézé a enchaîné un Bépa, un bac pro CGEA et un BTSA Acse. Avec une idée en tête, une installation en élevage laitier. Il est resté salarié quatre ans sur une exploitation puis dans le cadre d'un groupement d'employeurs. Il a également suivi un certificat de spécialisation (CS) machinisme en formation pour adultes. Thomas s'est installé en EARL avec sa mère en avril 2005. «Ce qui m'a le plus appris, explique-t-il, c'est le groupement d'employeurs. Sur le plan des relations d'abord, et aussi sur le plan technique. Il y a plein d'idées que j'ai ramenées à la maison. Vu du pied de la vache, on se rend mieux compte des choses qu'à l'école», insiste-t-il. Avec le départ à la retraite de sa mère, l'an prochain, Thomas réfléchit à l'avenir de sa structure. Anne-Lyse, son épouse, rencontrée en première année de BTS, va conserver son emploi dans une jardinerie de la région. |