«Ne pas faire d'apport de soufre sur colza, c'est prendre un risque», affirme Jean-Pierre Palleau, du Cetiom (1). Un risque qui peut coûter jusqu'à 20 q/ha à la récolte dans les cas de carence les plus graves.

Le sol fournit pourtant à la crucifère la quasi-totalité de cet élément. Mais au début de la montaison, alors que les besoins du colza commencent à être importants, le soufre situé à portée de racines n'est pas toujours assimilable par la plante. Comme l'azote, il doit se trouver sous une forme minéralisée. Et la reprise de végétation à la sortie de l'hiver a souvent une longueur d'avance sur la minéralisation, généralement peu importante en janvier et février.

75 unités systématiquement

«L'apport à la fin de l'hiver a pour objectif de combler ce retard de minéralisation, explique Julien Charbonnaud, ingénieur du Cetiom pour la région Centre. Une dose de 75 unités convient dans la majorité des situations.» L'impasse est d'autant plus risquée que le «retard à l'allumage» de la minéralisation est parfois aggravé par le lessivage hivernal. Car la forme minérale du soufre, soluble et utilisable par la plante, peut également être entraînée par la pluie. Cette caractéristique justifie dans certains cas de majorer l'apport d'une dizaine d'unités dans les sols les plus filtrants. Sans toutefois tomber dans l'excès. Ou c'est la valeur alimentaire du tourteau destiné au bétail que l'on met en péril, en augmentant la teneur en glucosinolates, ces facteurs antinutritionnels contenus dans la graine.

Apport au début de la montaison

Comme la dose, la date de l'apport est une question d'équilibre: épandu trop tôt, le soufre sera lessivé si des pluies surviennent avant qu'il n'ait été prélevé.

A l'inverse, un épandage trop tardif peut engendrer un début de carence susceptible de laisser des traces. L'apport doit donc être positionné au plus près de besoins, dans une fenêtre s'étalant entre le début de février et la début de mars selon les régions.

Avantage économique pour le solide

La date dépendra de toute façon de la forme de l'engrais. S'il est apporté sous forme liquide avec de l'azote, c'est généralement le deuxième apport d'azote qui est le mieux positionné pour y associer le soufre. Dans le cas d'un engrais solide, la date idéale est souvent située entre les deux apports d'azote.

Pour Julien Charbonnaud, le principal critère à considérer est la solubilité, ce qui exclut les engrais minéraux. C'est ensuite le prix qui doit guider le choix, ce qui donne l'avantage aux sulfates, comme le sulfate d'ammoniaque. La kiésérite (sulfate de magnésie) est avantageuse pour les sols pauvres en magnésie.

_____

(1) Centre technique interprofessionnel des oléagineux métropolitains.

 

Prise en compte complexe pour les effluents d'élevage

Si des épandages réguliers de fumier constituent un apport conséquent en soufre, leur prise en compte est difficile pour décider d'une impasse. Car là encore, le stock ne sera pas forcément disponible à la sortie de l'hiver, puisqu'il dépendra de la minéralisation. Dans ces conditions, supprimer l'apport relève de la « loterie », estime Julien Charbonnaud, du Cetiom Centre.

 

 

Carence: prévenir plutôt que guérir

La carence en soufre se manifeste par l'apparition de marbrures jaunes vers la mi-mars sur les feuilles les plus jeunes. Des signes qu'il n'est pas toujours facile de détecter à temps, et qui nécessitent une intervention rapide. Cette carence entraîne l'avortement des fleurs et un moindre remplissage des siliques. Jusqu'au tout début de la floraison, où elle se manifeste par des fleurs blanches, il est possible de corriger le tir avec 100 kg de sulfate d'ammoniaque dilué dans 500 l d'eau, pour éviter les brûlures. Le moindre retard entraîne des pertes qui ne pourront être compensées par la suite. Faire le pari de l'impasse impose une vigilance accrue pour détecter d'éventuels symptômes et une réactivité importante. Cette stratégie est d'autant plus risquée qu'il est difficile de caractériser avec précision les facteurs aggravants. Les sols les plus superficiels et pauvres en matière organique sont néanmoins les plus sujets à ce problème, notamment après un hiver froid et pluvieux.