C’est soi-disant un « lanceur d’alerte » qui a fourni les images de cette vidéo à L214. L’association anti-élevage épingle ainsi à son tableau de chasse le domaine de la Peyrouse qui est rattaché au lycée agricole de Coulounieix-Chamiers, près de Périgueux (Dordogne). L’exploitation héberge le couvoir, l’élevage avec les salles de gavage et un abattoir.
« Nous avons été piégés, assure Laurent Herbreteau, le chef d’établissement. La démarche de L214 n’est pas innocente. Elle avait besoin d’images pour s’en prendre à la filière du foie gras. Et nous sommes un des seuls établissements de formation sur la filière des palmipèdes. » La vidéo est en cours d’analyse, avec l’appui des services du ministère de l’Agriculture. Le lycée se réserve l’éventualité de déposer plainte.
Le téléphone n’arrête pas de sonner
Depuis 36 heures, avant même la diffusion des images de L214, le téléphone de Laurent Herbreteau n’arrête pas de sonner. Malgré la fatigue, le proviseur fait face. « À travers nous, c’est l’ensemble de la filière du foie gras qu’on a voulu viser. Nous sommes un centre de formation, un lieu ouvert par définition. Nous avons toujours été transparents sur ce que l’on fait. »
Dès mardi soir, à la veille de la diffusion de la vidéo à grande échelle, les élèves, apprentis, adultes en formation, parents et ensemble du personnel ont été informés de la situation. « Depuis, nous recevons de nombreux soutiens, de parents, de professionnels, décrit-il. Beaucoup de nos jeunes sont dans l’incompréhension que l’on ait attaqué leur établissement. »
En conformité avec la réglementation
« Nous travaillons conformément à la réglementation et avec des matériels de dernière génération, poursuit Laurent Herbreteau. Tous les ans, nous sommes contrôlés par les services vétérinaires et nous recevons toujours un avis très satisfaisant. L’été dernier, nous avons investi 80 000 € sur la chaîne d’abattage, avec le recours aux dernières technologies pour atténuer la souffrance animale. »
La diffusion de la vidéo par L214 suscite de nombreuses questions : certaines images ont été prises dans le couvoir, un lieu fermé et sécurisé par des codes d’accès. Si le proviseur fait une entière confiance à ses salariés, il émet l’hypothèse que l’auteur des images soit quelqu’un qui a suivi une formation.
Une médaille d’or au Concours général agricole
L’élevage produit un foie gras « origine certifiée Périgord » qui a été récompensé par une médaille d’or au Concours général agricole en 2019. L214 ne manque pas l’opportunité qui s’offre à elle d’apostropher le ministère de l’Agriculture pour lui demander de retirer sa médaille d’or au domaine de la Peyrousse et d’interdire à l’exploitation de servir de centre de formation.
Comme à son habitude, L214 appuie sur les séquences les plus délicates, notamment le gavage et l’abattage des canards. Pour les personnes qui ne connaissent pas la réalité d’un élevage, elles peuvent apparaître choquantes. L’association pointe en particulier, à raison, les conditions d’euthanasie des canetons femelles après l’éclosion, et qui ne peuvent pas être gavées.
« L214 a signalé la situation aux services vétérinaires de la Dordogne, qui ont mené une inspection et ont pu constater par eux-mêmes que les canetons n’étaient pas tués avant d’être jetés à la poubelle, argumente-t-elle. À ce jour, les services vétérinaires n’ont pas indiqué si une procédure pénale avait été engagée, ni si la situation avait évolué. »
Un « contrôle inopiné » des services vétérinaires
C’est faux puisque la préfecture a annoncé hier que ces services étaient intervenus après avoir reçu « un signalement selon lequel les canettes ne seraient pas euthanasiées conformément à la réglementation ». « Immédiatement pris en compte », ce signalement a donné lieu à un « contrôle inopiné au titre du bien-être animal le 19 novembre 2019 ».
Bilan, le contrôle « a effectivement mis en évidence le recours à une méthode d’euthanasie par asphyxie non réglementaire, détaille la préfecture dans son communiqué de presse. Le lycée a été mis en demeure de se mettre immédiatement en conformité […] avec le règlement [européen] sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort. »
La préfecture précise que l’établissement a été verbalisé comme il se doit pour ce manquement. Et que « dès l’éclosion suivante, le 26 novembre 2019, [ses services ont] constaté que le lycée avait pris les dispositions nécessaires pour assurer, à l’issue du sexage des canetons, le dispositif de mort instantanée des canettes conformément » à la réglementation.
« Le sujet de l’euthanasie des femelles reste difficile »
« Pour les femelles, nous avons essayé de trouver des débouchés. 15 % de nos cannettes sont actuellement commercialisées pour la volaille de chair », indique Laurent Herbreteau, qui fonde beaucoup d’espoir sur la technique de sexage des embryons avant éclosion. Elle permettrait de faire éclore les animaux dont nous avons besoin et cela éviterait de recourir à l’euthanasie.
Est-ce un hasard si L214 diffuse ces images sur la filière du foie gras à quelques semaines de Noël ? Probablement pas. Son objectif est sans doute une fois de plus de dégoûter les consommateurs des produits de l’élevage. Car ne nous y trompons pas, ce n’est pas le bien-être des animaux pour lequel L214 se bat, mais contre l’élevage en général.