ÀBruxelles, tout le monde a encore en tête la demande émise l’an dernier par le Parlement et le Conseil de geler, puis de réduire l’incorporation d’huile de palme dans les biocarburants européens. La Commission vient d’y répondre, en rendant public un projet de réglementation censé fixer le détail des critères destinés à sa mise en musique. Celle-ci devait couper le lien entre déforestation et biocarburants.
Mais la surprise est grande à la lecture des articles réglementaires envisagés et publiés pour consultation (1). La Commission suggère, comme prévu, de classer le palme dans la catégorie des biocarburants à « risque élevé de changement d’affectation des sols », les observations réalisées par le Centre commun de recherche ne laissant aucun doute possible. Le soja aurait également pu tomber dans cette catégorie, mais les paramètres choisis méticuleusement par Bruxelles l’épargnent. Il y a plus surprenant. En même temps qu’elle classe le palme dans la catégorie à risque devant être gelé dès 2019, puis progressivement supprimé à compter de 2023, la Commission a créé une catégorie dite « à faible risque », qui offre une échappatoire inespérée pour le même palme, avec des critères de certification taillés sur mesure pour être faciles d’accès.
En pleine campagne pour les élections, la Commission prend le risque d’être accusée de défendre les intérêts économiques de l’Indonésie ou de la Malaisie, plus que des pays européens. D’être plus sévère dans la fixation de normes environnementales pour les productions communautaires que pour les produits d’importation. La Commission présente un cas d’école de greenwashing. Aux colégislateurs, qui veulent un acte technique basé sur les meilleures données scientifiques, elle répond par un acte politique, préservant les intérêts du palme. Une procédure allégée d’audit, et non de certification sérieuse, est proposée. Elle laisse le soin aux opérateurs économiques de définir la production supplémentaire qu’ils ont réalisée pour répondre à la demande du marché européen des biocarburants, ou de démontrer qu’ils exploitent des terres non utilisées ou abandonnées, sans référence à de potentielles terres issues de la déforestation. Ils pourraient ainsi continuer d’exporter.
De plus, des facilités sont accordées aux petits producteurs, sans aucune justification. La procédure devrait être étayée de documents vérifiés dans le pays producteur par un auditeur indépendant, mais cela reste largement déclaratoire et fera sans aucun doute bondir les agriculteurs européens, soumis à des procédures de contrôle et de certification plus sérieuses et tatillonnes.
(1) https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/initiatives/ares-2019-762855_en