La présidence autrichienne de l’UE avait de grandes ambitions pour la réforme de la Pac : parvenir à un compromis entre les ministres européens de l’Agriculture et être en mesure d’entamer des négociations avec le Parlement début 2019. La ministre autrichienne de l’Agriculture, Elisabeth Köstinger, a dû renoncer et reconnaître lors du dernier Conseil agricole qu’elle s’en tiendrait à un simple rapport d’étape en décembre, avant de passer les rênes du Conseil à la Roumanie. Les experts des ministères ont certes débroussaillé les propositions de la Commission, mais aucun travail politique de rapprochement des positions n’a été entamé. Les discussions sur la future Pac en sont pour le moment restées au stade d’observation. Le projet ne soulève ni enthousiasme marqué ni hostilité farouche sur les aspects techniques.
Les ministres s’interrogent davantage sur la pertinence de la proposition, eu égard à la situation actuelle de leur agriculture et sur les messages à faire passer à leurs agriculteurs. Les pays d’Europe centrale doutent du nouveau mécanisme de mise en œuvre, sans toutefois vouloir monter en première ligne face au commissaire à l’Agriculture, Phil Hogan. De même, les pays fortement régionalisés tels que l’Italie ou l’Espagne s’inquiètent de l’imbroglio de compétences dans lequel les nouvelles règles pourraient les précipiter.
Entre deux portes, certains ministres concèdent que le changement de Commission l’an prochain pourrait permettre d’échanger plus ouvertement et sans doute d’avancer plus précisément vers une prochaine Pac, sans vouloir porter la responsabilité de bloquer le calendrier de la réforme. Une posture finalement proche de celle des parlementaires, qui redoublent d’efforts pour tenir les délais, sans véritablement être convaincus de vouloir y parvenir. À ce jeu, la Roumanie, qui présidera l’Union à compter du 1er janvier, ne voit guère l’intérêt de tenter l’impossible pour arriver à une hypothétique position commune des ministres au printemps, quand le Parlement ne pourra plus entrer en négociations pour cause de campagnes des élections européennes. Au final, chacun s’observe et les élections seront certainement l’élément clé qui décidera du sort de la réforme. L’orientation prise par la Commission de renationaliser la politique commune est-elle un projet porteur pour les agriculteurs ? Cette question sera posée au lendemain des élections au « commissaire désigné », lors de son audition par les membres du nouveau Parlement.