Emmanuel Lelièvre est l’un des pionniers du label Haie. L’éleveur allaitant de Mayenne comptabilise sur son exploitation 150 mètres linéaires de haie par hectare, soit près du double de la moyenne départementale. En 2006, avec d’autres agriculteurs, il fonde l’association Bois Bocage Énergie. « L’objectif était de fournir sur le territoire une énergie locale et durable, dit-il. Le marché était vierge. Nous l’avons créé de toutes pièces. » L’initiative rencontre rapidement le succès : en 2008, la SCIC Mayenne Bois Énergie voit le jour, quatre chaufferies sont approvisionnées par une vingtaine d’agriculteurs. Douze ans plus tard, les chiffres sont multipliés par dix.
Peu de changements de pratiques
En 2016, la SCIC Mayenne Bois Énergie s’engage auprès de l’Association française arbres champêtres et agroforesteries (Afac-agroforesteries) à la création du label Haie, qui naît en octobre 2019. « Nous avons construit un cahier des charges de bonnes pratiques, explique l’éleveur. Nous voulions qu’il soit acceptable et réalisable par les agriculteurs. » Celui-ci implique trois paliers : le premier permet de protéger la haie existante, le deuxième d’améliorer la coupe et la sélection, et le troisième d’augmenter les services écosystémiques rendus. « Le changement de pratiques n’est pas insurmontable et le label n’implique aucune contrainte administrative pour les agriculteurs, souligne Emmanuel Lelièvre. Une bonne gestion nécessite souvent un changement de vision : considérer les haies comme un atelier à part entière, n’intervenir qu’à bon escient, ce qui permet de réduire le temps de travail et de faire des économies. »
Des audits réguliers
« Économiquement, les modalités de gestion précisées dans le cahier des charges sont moins coûteuses que la gestion habituellement réalisée », ajoute Paule Pointereau, responsable de projets à l’Afac-agroforesteries. En Mayenne, la SCIC réalise des plans de gestion durable des haies, conseille sur l’entretien et réalise les préconisations avant la coupe. C’est aussi elle qui gère les audits internes pour la certification, tous les deux ans pour atteindre le palier 2, puis tous les cinq ans pour le palier 3. « Il faut compter 300 € par an de coût de certification pour un agriculteur, précise Paule Pointereau. Mais le label ouvre à de nouveaux marchés. »
De nouvelles opportunités
Initialement destinée au négoce de bois local et durable, l’utilisation de la biomasse sous forme de bois déchiqueté en litière se développe progressivement auprès des éleveurs. Une vingtaine de producteurs travaillent aujourd’hui à la création d’une filière pour le bois d’œuvre. « Nous sommes à l’écoute des territoires, explique Emmanuel Lelièvre. Sur les bassins-versants ou dans les zones de captages prioritaires, les agences de l’eau commencent à nous contacter pour développer le label Haie et mettre en place des paiements pour services environnementaux (PSE). » Dans certains secteurs où ces paiements sont déjà en place, ils représentent un montant de 6 000 € par an pour l’agriculteur. Avec une capacité de stockage de carbone additionnel important pour une haie gérée durablement, le label s’ouvre aussi au marché du carbone. « Les entreprises de l’agroalimentaire s’y intéressent fortement, confie Paule Pointereau. Elles souhaiteraient valoriser nos bonnes pratiques sur les produits finis. »
L’expérience intéresse. En Mayenne, trente-cinq agriculteurs se sont fait labelliser en septembre dernier, un an seulement après le lancement du label.
A. Gambarini