«L’état sanitaire de notre porcherie s’est dégradé petit à petit depuis la fin des années 1990, relate Marc François, installé avec son neveu Simon à Isigny-le-Buat, dans la Manche. Nous étions positifs à la MAP (Maladie d’amaigrissement du porcelet), au SDRP (Syndrome dysgénésique et respiratoire du porc), au mycoplasme et à l’actinobacillus également les derniers temps. Nous avions de plus en plus de mal à contenir les germes. Nos résultats économiques étaient médiocres, plombés par les frais vétérinaires qui atteignaient 130 €/truie/an. Nous avons alors pris la décision de dépeupler l’élevage, et de le repeupler avec des animaux sains. » L’opération a représenté un investissement de 160 000 €. À l’époque, il fallait compter au moins 400 € par truie dépeuplée-repeuplée. Marc et Simon avaient estimé un retour sur investissement d’un an et demi à deux ans, ainsi qu’un temps d’adaptation de six mois, mais les résultats ont progressé beaucoup plus vite, avec un retour sur investissement en un an.
Hausse de la prolificité des truies, réduction des indices de consommation d’aliments, baisse des frais vétérinaires, amélioration des gains moyens quotidiens… « Nous avons amélioré nos résultats techniques sur tous les tableaux, constate Marc. Y compris en temps de travail par truie, qui a baissé de 14,9 h/an à 10 h/an ! Avant il fallait vacciner quatre fois les porcelets. Depuis, nous ne réalisons plus aucun vaccin. Seulement une injection de fer à deux jours, et c’est tout. »
Pour lui, l’une des clés de la rentabilité d’un assainissement est de laisser les bâtiments improductifs le moins longtemps possible. « Pour repeupler, nous avons fait entrer 400 truies en seulement quinze jours. Ces femelles étaient déjà gestantes, dont certaines prêtes à mettre bas. Grâce au groupement de producteurs de la Coopérative agricole de Mayenne (Cam), nous les avons achetées à un éleveur affichant un très haut niveau sanitaire, qui s’est spécialisé dans la production d’animaux de repeuplement. »
Une période difficile
Le dépeuplement-repeuplement a également représenté un fort investissement en temps. « Il faut bien l’anticiper, insiste Marc François. Nos préparatifs ont démarré neuf mois avant. En nous engageant dans la démarche d’assainissement, nous avons mené une réflexion globale sur notre élevage, et concrétisé un agrandissement concomitant de 360 à 500 truies. Ensuite, il a fallu six mois pour réaliser le vide sanitaire complet. Pendant toute cette période, nous avons eu une énorme charge de travail pour tout nettoyer, du sol au plafond. C’était très difficile, mais aussi très motivant car nous savions vers quoi nous allions. »
Les éleveurs ont aussi mis en place une batterie de mesures de biosécurité. Le renouvellement des truies de race large white n’est réalisé qu’avec des animaux issus d’élevages assainis. Les cinq bandes de 100 truies sont strictement séparées. Les parties naissage et engraissement occupent deux bâtiments différents, et l’organisation de la circulation interdit de passer de l’un à l’autre. Les éleveurs ont adopté un système de filtration d’air en entrée, avec bactéricide et virucide.
Par ailleurs, l’élevage est entièrement clôturé et aucune porte ne s’ouvre de l’extérieur, à part l’entrée principale qui donne directement sur les douches. La douche n’est obligatoire que pour ceux qui ont approché de zones à risque, mais le changement de vêtement est systématique.
Les camions d’aliments ou de ramassage des porcs charcutiers ne s’introduisent jamais dans l’élevage : les aliments sont chargés dans les silos depuis l’extérieur, et les éleveurs s’occupent eux-mêmes du chargement des animaux. Les bacs d’équarrissage ont été placés à l’extérieur de la ferme. Des épandeurs équipés d’enfouisseurs ou de pendillards complètent la panoplie.
Ce « capital sanitaire » dans lequel les éleveurs ont investi n’est pas garanti dans la durée. « Nous savons que la défense sanitaire n’est jamais gagnée d’avance, mais nous nous donnons les moyens de préserver ce capital, confie Marc. Nous nous attendions à le perdre progressivement. Pourtant, depuis l’assainissement, nous sommes toujours indemnes de maladies. De plus, nous avons connu uniquement un épisode de SDRP, que nous avons pu éradiquer. »
« La lutte passe aussi par un engagement collectif, estime Marc. Dans notre secteur, la densité d’élevages porcins est importante. Nous avons travaillé collectivement pour tous devenirs indemnes de SDRP. Notre groupement joue également le jeu pour préserver les statuts sanitaires dans son organisation des tournées de départ de porcs charcutiers et des livraisons d’aliment… »