Se balader chez Laurent Gasnier, c’est avoir l’assurance d’apercevoir en un rien de temps faisans, lièvres ou chevreuils. Et pour cause, agriculteur mais aussi chasseur, il a toujours eu un intérêt cynégétique et plus largement pour la biodiversité.
Il a commencé par implanter des haies : en tout, il y en a six pour un total de 700 m, de façon à ce qu’elles ne soient pas contraignantes pour le travail. « Parallèlement, j’ai proscrit l’emploi d’insecticides contre les pyrales sur maïs. Je préfère largement déposer des trichogrammes dans mes parcelles, c’est plus agréable, juge Laurent. J’ai aussi fini par abandonner la culture de colza il y a quatre ans, car j’avais notamment des difficultés avec les ravageurs et l’emploi d’insecticides n’était pas idéal pour préserver la biodiversité. »
En vingt-deux ans et grâce à beaucoup d’observations, il n’a par ailleurs employé que deux fois des insecticides sur céréales à paille pour venir à bout des pucerons.
Curieux de nature, quand il a pris connaissance des travaux de l’association Hommes et Territoires (voir encadré), il a été amené à regarder de plus près ses bords de champs. « Sur une exploitation agricole, ces derniers représentent des surfaces non négligeables, avec en moyenne 2 ha pour 120 ha. Chez moi, il y a près de 3,5 km de chemins pour 80 ha, constate l’exploitant. Souvent considérées comme des surfaces problématiques d’un point de vue agronomique, elles ont pourtant un intérêt écologique. » Bien entretenues, les bordures extérieures de champs sont favorables à la biodiversité. Elles abritent une flore sauvage non adventice et de nombreux auxiliaires de cultures, ainsi que des pollinisateurs : « Ça bourdonne, il y a de la vie ! » se réjouit l’agriculteur qui précise que c’est une source d’alimentation pour les poussins de faisans et les perdreaux. « Mes jachères (voir plan), notamment le sorgho fourrager, ainsi que mes couverts labellisés Agrifaune avant maïs servent en complément d’abris en période hivernale, à un moment où la plaine est habituellement nue », fait part l’exploitant.
Broyage tardif et sélectif
« Comme au début, je n’étais pas à plein temps sur l’exploitation, je ne broyais quasiment jamais mes bordures, faute de temps, explique Laurent Gasnier, désormais président d’Hommes et Territoires. D’ailleurs, comme l’ont démontré les études de l’association, je ne voyais pas mes champs se salir outre mesure. » Un diagnostic réalisé il y a dix ans lui a montré que 40 % de ses bordures étaient de nature prairiale et que le restant comportait une flore adventice, moins intéressante pour la biodiversité. Désormais, le broyage reste limité, mais Laurent le pratique au cas par cas et toujours à 10-15 cm de haut minimum.
« Là où l’usage veut que l’on rase toute la végétation des bords de chemin à partir de mai, je broie plus tard, en septembre, et seulement en présence de certaines adventices comme le ray-grass ou le brome. Sur chardon, j’interviens en mai-juin pour empêcher la montée à graine », précise-t-il.
Être vigilant sur l’entretien des bordures, c’est de plus l’assurance de laisser en place les ressources en pollen et en nectar, en été, en permettant à la flore d’effectuer entièrement son cycle. Autre intérêt et non des moindres, c’est d’éviter de détruire les nids et les jeunes oiseaux ainsi que les mammifères. Ces zones représentent en effet un refuge au cours de la moisson. « Certes, les bordures de champs ne rapportent pas directement de l’argent, mais par leur action sur la biodiversité, elles font partie de la solution pour diminuer l’emploi des produits phytosanitaires et sont même parfois prises en compte dans certains cahiers des charges, considère l’agriculteur. Elles offrent, en plus, un cadre de vie plus agréable. »
Céline Fricotté