«On travaille ensemble, on raisonne ensemble, on évolue ensemble, lance Fabrice Casteraa, exploitant à Cauneille, dans les Landes. Derrière ce « on », il y a sept agriculteurs qui ont mis tout leur matériel en commun et qui sont tous passés en techniques culturales simplifiées en 1999. Sans être associés, ils travaillent en grande concertation et mutualisent parfois leurs achats d’intrants. C’est donc également en concertation que ces maïsiculteurs franchissent, en 2011, le cap de la diversification. « Pour ma part, essentiellement à cause d’adventices problématiques dans le maïs, sorgho d’Alep à l’époque, et sycios aujourd’hui. L’alternance des cultures permet de casser leur cycle », précise Fabrice Casteraa.

Chacun jongle avec les cultures en fonction des potentiels de rendement des sols. Chez Fabrice, par exemple, la SAU se divise en trois zones : 40 hectares de terres sablo-limoneuses de bord de Gave, où le maïs reste roi (rendement de 120 q/ha) ; 27 hectares de coteaux argileux, souvent gorgés d’eau au printemps (80 q/ha) ; 30 hectares de terres « limon-caillouteux » (120 q/ha irrigué). C’est sur ces dernières, qu’il sème pour la première fois 6 hectares de tournesol au lieu du maïs, sans investissement spécifique puisque le semoir reste le même. Il récolte, cette année-là, 33 q/ha…

L’année suivante, grâce au semoir à céréales acheté d’occasion par la Cuma, Fabrice enchaîne avec d’autres cultures. Et depuis, sur les 6 hectares, plus de maïs, mais une rotation colza-blé-tournesol-blé. « Changer de cultures, d’accord, mais tout cela était nouveau pour nous », confie-t-il.

 

Couper les habitudes du maïs

En effet, entre l’absence de références techniques locales et des conditions pédoclimatiques différentes des autres départements, les itinéraires culturaux sont parfois hasardeux. En blé, par exemple, « il faut connaître les maladies, utiliser des fongicides en préventif, des raccourcisseurs…, poursuit Fabrice. Mais, l’expérience aidant et les référencements variétaux des distributeurs s’améliorant, nous obtenons de bons rendements et de la belle paille, malgré nos printemps humides et doux, parfois trop chauds. »

Côté colza, la date de semis restera toujours problématique : « Avec notre « été indien », le colza peut avoir du mal à lever, pour ensuite trop pousser avant l’hiver ! » D’ailleurs, cette année, pris par la sécheresse et le manque de temps, il n’en a pas semé. A la place, l’exploitant implantera de l’orge.

Dans la région, les pressions de ravageurs ou de maladies spécifiques de ces « nouvelles » cultures restent faibles. Cela est surtout vrai pour le colza, où l’agriculteur s’affranchit de tout traitement insecticide. Cela ne durera peut-être pas, mais Fabrice espère en tirer profit le plus longtemps possible : « Je vais donc remettre du maïs là où je n’en cultive plus. Ainsi, je casse les cycles et j’évite la progression d’un éventuel potentiel infectieux. »

Aujourd’hui, à l’échelle de l’exploitation, les cultures se sont bel et bien diversifiées, même si le maïs reste la culture principale des terres à meilleur potentiel (sans dépasser les 75 % de surface arable). Néanmoins, d’une campagne sur l’autre, opportunités et/ou curiosité poussent l’agriculteur à modifier sa sole. En 2015, au lieu du maïs, il implante 7 hectares de soja, puis enchaîne avec 12 ha de blé. Les itinéraires techniques sont à présent rodés. La préparation du sol se résume aux passages de déchaumeurs, à disques ou à dents, voire d’un décompacteur, si nécessaire (avant un colza). Le semoir est combiné à une herse. S’il enchaîne maïs sur maïs, l’agriculteur sème un couvert hivernal au plus vite après la récolte (moissonneuse équipée de broyeur sous cueilleur), avec un semoir couplé au déchaumeur. Le couvert est un mélange de pois, féverole, vesce ou trèfle. L’avoine a été supprimée, pour pourvoir se contenter d’une destruction mécanique sans recours au glyphosate.

Revenir en monoculture ?

Les marges brutes (voir tableau) confirment la chute de compétitivité du maïs depuis 2012 (année record). Pourtant, l’agriculteur n’exclut pas de revenir à la monoculture, quitte à payer pour la certification. Pour exemple, cet été, après la récolte du colza, Fabrice Casteraa a semé 9 hectares de maïs précoce, à une densité de 85 000 graines/hectare, avec un désherbage en plein au stade 6 feuilles, pour détruire les repousses de colza. Ce grain supplémentaire, qui sera récolté en novembre, sera séché sur place. En effet, avec deux associés, Fabrice vient de faire construire un séchoir collectif d’une capacité de séchage de 6 000 tonnes, avec un silo de stockage de 3 000 tonnes.

Les agriculteurs sont persuadés de l’intérêt économique de vendre le maïs sec : « Nous avons voulu une installation orientée vers la qualité, pour répondre à une demande forte et locale de maïs très sain, notamment pour des gaveurs de canards. » Le séchoir est entré en fonction ce mois d’octobre, prêt à accueillir leur propre maïs et celui des voisins. Une raison de son retour à davantage de maïs grain en 2016 et sans, aucun doute, en 2017.