Thomas Leroux a été l’un des premiers adhérents de Noriap à s’engager dans le nouveau contrat d’agriculture régénérative « Préférence », signé entre sa coopérative et le Groupe Nestlé. Et pour cause, il a fait partie de l’équipe qui l’a mis sur pied avec le technicien de la coopérative spécialisé en agriculture de conservation des sols (ACS), Pierre-Antoine Brunel, des agronomes de Nestlé, de l’ONG Earthworm, de Novalis Terra et d’autres organismes.

« Je réfléchissais à m’engager dans l’ACS depuis longtemps, explique l’agriculteur de Mailly-Raineval, dans la Somme. L’opportunité est venue quand, il y a trois ans, j’ai été amené à me séparer de mes associés. J’ai récupéré la partie de l’exploitation où nous produisions le moins de pommes de terre et je suis reparti d’une feuille blanche. » Il a alors investi dans un tracteur de 150 ch d’occasion et un semoir de semis direct à disques neuf, le tout pour 165 000 euros.

Plus de dix cultures

« Je suis passé du jour au lendemain du labour classique à l’ACS sur 100 % de la ferme, même si je ne m’interdis pas, de temps en temps, un déchaumage léger, en paille sur paille, par exemple, pour favoriser la minéralisation », indique-t-il. Le semis de maïs et les récoltes sont confiés à une entreprise de travaux agricoles (ETA). Thomas Leroux s’est formé et a échangé beaucoup avec d’autres exploitants, des techniciens et des scientifiques. Pour lui, comme pour Nestlé et Noriap, la clé du retour à des sols vivants est la bonne implantation des couverts, le non-travail du sol et une rotation la plus diversifiée possible. « En plus du blé, de l’escourgeon, du maïs et du colza, j’ai introduit dans la rotation du tournesol et des légumineuses, pois protéagineux et fourrager, féveroles, trèfle incarnat et vesces. »

Cahier des charges exigeant

La démarche, qui démarre par un audit de l’exploitation réalisé par Earthworm, repose sur cinq indicateurs de santé des sols et comporte trois niveaux. « Pour atteindre le niveau 2, l’agriculteur doit obtenir trois indicateurs positifs, et pour le niveau 3, avoir les cinq, précise Pierre-Antoine Brunel. Thomas Leroux en a obtenu quatre facilement. Le seul point qui l’empêche d’accéder au niveau 3 est le taux de matière organique (MO) de ses sols, et plus précisément le rapport MO/taux d’argile. Cela étant dit, depuis trois ans, il a déjà gagné 0,1 à 0,2 point de MO. » Le niveau 1 est accordé à l’agriculteur qui a obtenu deux indicateurs et s’engage à en obtenir un troisième rapidement.

« Le niveau 2 me permet d’obtenir une prime de 10 €/t pour le blé et le maïs vendus à Noriap », poursuit l’agriculteur. Le niveau 3 bénéficie d’une prime de 13,5 €/t et le niveau 1, pour encourager les agriculteurs à progresser, d’un bonus de 9 €/t. « Il est important d’être rémunéré pour l’effort engagé et le temps passé, ajoute Thomas Leroux. Si l’ACS m’a permis de passer de 45 l/ha de carburant à 18 litres, et de réduire de 25 % mes charges de structure, elle est aussi synonyme de risques. Cette année, j’ai eu de fortes attaques de limaces, par exemple. Le rendement est en général identique au conventionnel, mais peut parfois chuter de 30 à 40 %. L’an dernier, j’ai perdu 17 hectares de maïs à cause de la sécheresse. Heureusement que j’avais souscrit à une assurance aléas climatiques. »

L’exploitant va maintenant chercher à valoriser la démarche avec d’autres cultures, et à obtenir une rémunération pour la vente de crédits carbone.

Blandine Cailliez