«Mon système nécessite encore quelques réglages mais il est quasiment abouti. » Depuis son installation en 2004, Frédéric Barbot réfléchit ses cultures en fonction de ses sols et du salissement. Ses objectifs sont multiples : se passer de la chimie, préserver la qualité de ses sols tout en produisant assez pour vivre de son métier. Pour lui, une des clés de la réussite réside dans l’enchaînement des cultures.

Installé au sud de la Touraine, ce fils d’agriculteur n’a jamais labouré. Il s’intéresse à l’agriculture de conservation, en semis direct strict ou en TCS, à 5 cm maximum. Après différentes expérimentations pour diminuer les doses de phytos, avec ses parents, ils suivent, en 2010, une formation de quatre jours sur la biodynamie. Ils prennent alors la décision de travailler en bio. « On n’était pas loin techniquement du bio. La biodynamie nous permet de finaliser le travail effectué sur les structures de sol depuis vingt ans de TCS. Il a surtout fallu changer d’état d’esprit : passer du curatif au préventif. »

Depuis six ans, Frédéric expérimente un système pour limiter le salissement (chardon et ray-grass) et améliorer la minéralisation. Grâce à ses pratiques, le taux de matière organique avoisine 4,8 % dans les terres argilo-calcaires et 2,8 % dans les limons.

Sa rotation s’adapte aux conditions climatiques. « Mon assolement type est constitué par tiers d’une légumineuse pérenne (luzerne ou trèfle), d’une culture de printemps et d’une culture d’automne. Malheureusement, depuis deux ans, les aléas climatiques printaniers empêchent, voire détruisent les implantations de luzerne et de trèfle. Seule une vingtaine d’hectares ont été maintenus. J’ai donc remplacé ces cultures par des céréales associées à des féveroles et du pois, en prévision de resemer du trèfle en mars 2017 », explique Frédéric. Toutes les cultures sont semées en mélange. « Entre un blé et un blé + féverole, j’obtiens entre un quart et un tiers de rendements supplémentaires. »

Du trèfle contre le ray-grass

Les cultures de printemps, tel millet-sarrasin, sont semées mi-mai à 20 cm d’écartement pour permettre le désherbage mécanique (herse étrille principalement, écumeuse si besoin). En tête de rotation, elles servent de couvert pour implanter du trèfle blanc. Le semoir est calé sur la herse, une rampe lui permet de semer à la volée. La culture principale est récoltée vers fin septembre-début octobre, puis triée et séchée. Le trèfle prend le relais comme culture pérenne. « Aujourd’hui, je vends la première coupe ou je la broie et la laisse au sol. Nous travaillons sur la valorisation de la deuxième et troisième coupe. Je vais ajouter une graminée au mélange, fétuque ou dactyle, pour mieux stimuler la production d’azote de la légumineuse », ajoute Frédéric. Cette technique lui permet en partie de maîtriser et contenir les ray-grass. « En trois ans, on a diminué considérablement le stock d’adventices. Seules les parcelles qui ne sont pas encore passées en trèfle restent concernées par des problèmes de ray-grass et de chardons. »

Le trèfle apporte de l’azote qui sera valorisé par la culture d’automne. Un mélange blé (200 kg/ha) féverole (100 kg/ha) pois (40 kg/ha) est semé en direct, au SD 6000 de Kuhn, si les conditions le permettent, ou après un passage de déchaumeur à patte d’oie qui scalpe à 5 cm, comme c’était le cas cette année. « En bio, il n’est pas toujours possible de faire du semis direct. L’important, c’est de préserver la structure du sol, en privilégiant de bonnes conditions d’intervention », reconnaît Frédéric. Aucune fertilisation n’est apportée. Pour 2017, un amendement sera fourni en compost de déchets verts, à 10 t/ha. L’opération sera renouvelée tous les trois ans.

Charges opérationnelles : 90 €/ha

En moyenne, après un trèfle, un blé avoisine 20-25 q/ha dans les mauvaises parcelles (celles qui faisaient 50 q/ha en conventionnel). « Les rendements ne sont pas élevés mais nous n’avons quasiment pas de charge. Notre moyenne de charges opérationnelles est de 90 €/ha », relativise Frédéric.

Pour améliorer ce rendement de 10 q/ha voire plus, il cherche à valoriser l’azote. « Comme je travaille peu le sol, il y a peu d’oxygénation et les terres ne se réchauffent pas assez vite au printemps. » Pour que la minéralisation se déclenche plus rapidement, il a construit une bineuse qu’il compte passer en mars pour que la plante profite pleinement de l’azote minéralisé. Pour limiter le désherbage, Frédéric retarde la date de semis (novembre) mais cela réduit l’assimilation des éléments par la plante avant l’hiver. Il teste donc des semis précoces, voire très précoces (1). En 2016, il a implanté du seigle et du blé dès le mois de juillet, dans une parcelle de millet-sarrasin. Les racines sont ainsi beaucoup plus développées. Pour 2017, il compte semer la moitié de sa sole d’automne en été.

(1) Méthode « Bonfils ».