Depuis la reprise de l’exploitation en 2010, Xavier et Aurore Piot constatent des problèmes de parasitisme, de dégradation de la qualité des sols, ainsi que de plafonnement des rendements. « Nous arrivons à maintenir une rentabilité en augmentant les intrants. Malgré tout, nous nous posons des questions », confient-ils.

En 2015, Xavier crée Sol Avenir 60, un groupe d’agriculteurs qui réfléchissent sur l’application de l’agriculture de conservation à la production de cultures industrielles (betteraves, pommes de terre, légumes). Le collectif, dont Bruno Delacour fait aussi partie (cf. encadré ci-dessous), s’inspire des trois principes majeurs de cette pratique : la réduction du travail du sol, la couverture des terres et la diminution drastique de la chimie. Xavier a donc arrêté le labour afin de supprimer les semelles de compaction et favoriser la vie microbienne. Mais il conserve une intervention superficielle, indispensable. « L’agriculture de conservation ne se résume pas au semis direct », rappelle-t-il. Il est conscient de ne pas pouvoir supprimer entièrement le travail du sol en raison de la spécificité de ses cultures. Mais il le limite au maximum pour préserver la qualité.

Généraliser les couverts

Il implante des couverts dans les intercultures suffisamment longues et les garde le plus possible. La destruction est ajustée à chaque production. Avant les betteraves, il effectue une fissuration localisée à l’aide d’un strip-till et laisse la Cipan (culture intermédiaire piège à nitrate) couvrir l’interrang.Avant les pommes de terre, il fait ses buttes juste après la récolte du précédent et y installe le couvert. La terre va ainsi profiter de la protection de ce dernier et de l’effet du gel comme sur un labour.Grâce au relief créé, elle se ressuiera facilement au printemps. Pour les pois de conserve, une reprise superficielle est réalisée au début du printemps, mais ce sont les racines de la culture intermédiaire qui se chargent du travail en profondeur.

Les bénéfices sont nombreux : protection des sols contre l’érosion, structuration, apport de matière organique, recyclage des éléments fertilisants et sécrétion des exsudats racinaires. Xavier et sa femme introduisent toujours un couvert composé d’une dizaine d’espèces, dont la moitié de légumineuses (féverole, vesce, trèfle, pois, radis chinois, radis fourrager, moutarde d’Abyssinie, lin, sarrasin, tournesol). « Nous recherchons un maximum de diversité », explique l’agriculteur, car chaque plante, au travers des exsudats racinaires qu’elle sécrète, développe une somme de micro-organismes qui permettent d’améliorer la fertilité.

Raisonner en système

Xavier est passé d’un raisonnement à court terme à une approche plus globale. Un sol en bonne santé va faire croître des végétaux qui le seront aussi et seront soumis à moins de pression de maladies et d’insectes. L’exploitant insiste : « Il faut être très modeste. Nous sommes en chemin. Nous avons beaucoup d’espoir, mais aussi des "gamelles". » Il redécouvre de nouveaux moyens de produire. Si la recherche est passionnante, elle n’en est pas moins dure et longue. Malgré le grand intérêt que ce groupe d’agriculteurs a suscité autour d’eux, aucun ne veut ni ne peut délivrer de solutions toutes faites.

Renaud d’Hardivilliers