«Le digestat est un engrais beaucoup plus vite utilisé par les plantes. Que ce soit sur le blé, les couverts d’intercultures, l’herbe ou à la reprise de végétation. Nous voyons la différence, en particulier par rapport au lisier. Celui-ci est moins bien retenu par le sol car il apporte de l’azote sous forme nitrique, assez vite lessivable. »
Thibaut Cordel est chargé du suivi des cultures, de la méthanisation et de l’animation au Gaec de l’Alliance. Implanté à Evendorff, cette structure est issue du regroupement de sept exploitations. « Le digestat n’occasionne pas l’effet de brûlure du lisier, en raison de l’acidogénèse. Pour les rendements, nous notons une majoration due au digestat. Et, surtout, nous enregistrons un point de protéine de plus en blé », poursuit-il.
Les associés du Gaec avaient déjà « un pied » dans la méthanisation depuis une dizaine d’années : un contrat de livraison de maïs ensilage avec une installation en Allemagne, toute proche, existe depuis 2008. « Il prévoit la récupération du digestat, explique le jeune agriculteur. Ce qui nous a permis d’en constater l’intérêt en termes de fertilisation. Nous avons donc installé notre propre méthaniseur pour valoriser tous nos effluents. L’objectif était également de renforcer la diversification et d’accroître la valeur ajoutée de l’exploitation, dans le cadre de mon installation. Avec ce nouvel atelier, nous restons dans le prolongement de notre métier d’éleveur. Le principe de fonctionnement étant similaire à une panse de vache. »
Amendement de fond
En novembre 2016, le méthaniseur entrait en activité, après un an de travaux. Cette installation, d’une puissance de 250 kWh, a fonctionné à plein régime dès la première année, sans à-coups. L’électricité produite est revendue en totalité. La chaleur sert à chauffer deux maisons d’habitation et une partie des bâtiments d’élevage.
En moyenne, le méthaniseur « ingère » 10 000 t de matière par an : 5 000 à 6 000 m3 de lisier (vaches laitières), 2 500 t de fumier (vaches allaitantes et élèves), 1 000 t de déchets de fruits et légumes en provenance du Luxembourg, situé à proximité. En fonction des disponibilités, de l’ensilage d’herbe et/ou de maïs est utilisé.
L’installation est équipée d’un séparateur de phases. La phase solide du digestat représente environ 15 % de ce qui sort. Plus concentrée qu’un fumier, elle est appliquée avec un épandeur à table d’épandage. Plutôt à l’automne, comme amendement de fond, à la dose de 10 à 15 t/ha. Pour la partie liquide, le Gaec a fait l’acquisition d’un tonneau à rampe, équipée de pendillards. Un second est utilisé via une Cuma. Ces tonneaux possèdent chacun, sur une largeur de 12 m, une trentaine de tuyaux qui « frottent » le sol. « L’outil apporte le produit au plus près de la plante, souligne Thibaut Cordel. Il y a moins d’odeur qu’avec le lisier lors de l’épandage. »
Rebooster le sol
Le recours au digestat permet aussi de rebooster la vie du sol. Une volonté récurrente sur l’exploitation-mère. à savoir, celle de Martine et Didier, les parents de Thibaut, passés en agriculture de conservation au début des années 2000. Installés sur 150 ha, ils cherchaient à gagner du temps. Et à améliorer la productivité, car leurs sols présentent des potentiels moyens, tout en limitant les intrants.
D’où le choix du semis direct au départ, puis d’un travail du sol simplifié. « La charrue a été abandonnée à mon arrivée, en 2013 », souligne le jeune homme. Le Gaec possède deux semoirs pour le semis direct, et un Compil, un déchaumeur à bêches permettant d’ouvrir le sol au printemps et de le réchauffer. En le travaillant sur une faible profondeur, de 2 à 5 cm, la nuisance des limaces reste limitée.
Des couverts sont mis en place depuis 2004-2005. Ils sont implantés juste après la moisson pour profiter de l’humidité résiduelle. Soit pour des intercultures courtes (blé-orge ou colza-blé), soit longues avant le maïs.
Ces couverts sont essentiellement constitués d’un mélange féverole, moutarde d’Abyssinie, vesce. La féverole, à raison de 15 à 20 plants/m², apporte de l’azote et restructure le sol grâce à son système racinaire. « En année moyenne, les couverts représentent une biomasse de 5 à 6 t de MS/ha. Pour cette saison, ce sera 1,5 à 2 t à cause de la sécheresse… », ajoute Thibaut.