«J’ai semé 10 hectares de soja ce printemps. J’aurais pu faire plus, mais cette surface se calait bien avec mes parcelles et ma rotation. L’an dernier, cette culture m’a fait réaliser ma plus grosse marge brute avec 950 €/ha, à comparer aux 650 € du blé et aux 820 € du tournesol. » Étienne Maillard est agriculteur sur 200 ha à Euville, dans la Meuse. Cela fait trois ans qu’il implante du soja, avec quelques aléas, mais il s’agit d’une culture qui se prête bien à sa stratégie : allongement des rotations, implantation de deux cultures de printemps de suite sur la même parcelle, diminution de l’IFT (1) global de l’exploitation. « Le soja est surtout la carte “culture estivale”, qui me permet de remplacer une partie de l’orge de printemps et de casser le cycle de certaines mauvaises herbes, explique-t-il. Il permet aussid’étaler les pointes de travail, même si la récolte se situe au moment des semis d’automne, ce qui est parfois compliqué à gérer. Mais on ne peut pas gagner sur tous les tableaux ! »

Les changements opérés par Etienne datent d’une quinzaine d’années. « J’ai démarré en passant au semis simplifié, tout en restant dans un système de production classique, à forte dominante de cultures d’automne, précise l’agriculteur. J’avais fait l’acquisition d’un semoir Horsch CO, mais j’ai été rapidement confronté aux limites de ces pratiques, avec des soucis de limaces et de désherbage. Mes parcelles à la moisson faisaient peine à voir ! J’ai commencé à travailler avec la chambre d’agriculture en 2008 et j’ai introduit l’orge de printemps, passant à une rotation sur quatre ans. J’ai constaté des améliorations dans la maîtrise des adventices, mais ce n’était pas encore satisfaisant. Et j’étais encore trop tributaire de la chimie. »

Variétés précoces

En 2011, un groupe Ecophyto se constitue dans le département. Étienne Maillard, toujours à la recherche de solutions alternatives, s’y engage. À la suite des réunions techniques, le céréalier allonge encore sa rotation avec du tournesol et du maïs. En 2012, les rendements sont médiocres. Il continue cette stratégie en 2013, mais les sangliers détruisent 80 % des semis de maïs. L’année 2014 est un bon cru, avec un rendement tournesol de 30 q/ha. En 2015, il abandonne le maïs au profit du pois de printemps. Mais là encore, les sangliers se montrent trop gourmands.

À partir de 2015, plusieurs agriculteurs du secteur commencent à tester le soja. L’offre s’est étoffée et permet le recours à des variétés plus précoces, un impératif pour les terres froides de Lorraine. « Variétés, dates de semis, récolte, ils ont défriché le terrain, souligne Étienne. Alors, en 2016, je me suis lancé. J’ai semé 14,5 ha de Sirelia dans deux parcelles. En revanche, c’est une légumineuse qu’il faut inoculer, une manipulation pas toujours évidente. Après avoir mis l’inoculum sur les graines, je remue à la pelle. » Depuis l’an passé, la rotation est donc sur sept ans.

32 q/ha en 2017

Pour la préparation du sol, le céréalier pratique à l’automne un travail profond, avec un Horsch Terrano, un déchaumeur à pattes droites. Au printemps, il effectue un travail superficiel à l’aide d’un vibroculteur, pour enfouir les débris végétaux. Le semis est réalisé début mai, avec un semoir traditionnel. L’itinéraire technique est réduit : deux ou trois passages pour le désherbage, entre le semis et la levée, en postlevée, vers le 20 mai. Et un troisième si besoin. Pas d’insecticides, pas de fongicides, pas d’antilimaces et pas d’azote, si l’inoculation s’est bien faite. La récolte se fait fin septembre-début octobre.

En 2016, l’année est atypique, très humide au printemps, et l’été particulièrement sec. Étienne obtient un rendement de 23 q/ha, sachant qu’il estime le potentiel sur ses terres à 25-27 q/ha. La marge obtenue est de 500 €/ha. En 2017, le soja occupe 16,6 ha, avec quelques déboires à la levée. Mais la culture se rattrape bien, l’été est humide et le rendement est bon : 32 q/ha.

« La collecte est compliquée pour la coop, estime toutefois Étienne. Nous sommes quatre ou cinq à produire du soja dans le secteur. Il faut parfois du séchage. Au silo, les graines sont stockées dans une case à engrais, afin de n’être surtout pas mélangées avec de l’orge brassicole. Il faudrait davantage de producteurs, avec une unité de transformation locale. À l’heure actuelle, la collecte part en Alsace et en Haute-Saône. »

(1) Indicateur de fréquence des traitements.