Dans l’optique d’améliorer le potentiel agronomique de ses terres, Laurent Pierre a fait le choix, il y a cinq ans, de se lancer dans l’agriculture de conservation. Il s’est tourné progressivement vers les techniques culturales simplifiées (TCS) afin de réduire, voire supprimer le travail du sol, tout en mettant en place le couvert améliorant en interculture. Une réflexion approfondie sur la rotation des cultures a également été menée, d’autant plus que les contraintes en polyculture-élevage sont particulièrement fortes, la production de fourrage étant le pivot de l’alimentation bovine. « Un assolement complet intégrant des prairies temporaires aurait été l’idéal, mais tous nos terrains ne sont pas adaptés à la mise en culture », explique Laurent. Alors que le passage aux TCS et au semis direct sur colza et blé s’est déroulé rapidement et sans trop de difficulté, la réflexion a été plus longue sur la technique à mettre en œuvre pour le maïs, culture particulièrement compliquée à mener en agriculture de conservation. De 2014 à 2016, Laurent a donc réalisé plusieurs essais (sur 15 ha), aidé de Denis Giessinger, conseiller à la chambre d’agriculture de Moselle. Le but : trouver la technique de semis la mieux adaptée aux conditions pédoclimatiques et aux objectifs de rendements, puis tester le comportement de quelques variétés avec cette technique.
Plusieurs techniques de semis testées
En 2014 et 2015, Laurent a testé le semis direct de maïs en sol limoneux à tendance hydromorphe. Avant chacun des essais, un couvert de féverole associé a été mis en place. Pour optimiser l’effet structurant de la féverole, celle-ci a été semée en double rang. Puis, afin d’apporter de la diversité au couvert, Laurent a testé plusieurs mélanges (avoine, orge, ray-grass, trèfle) en inter-rang, la modalité avoine-trèfle ayant obtenu les meilleurs résultats. Après destruction du couvert par application de glyphosate (1 l/ha), le semis direct de maïs a été réalisé, lui aussi, en double rang (sur celui de féverole), à l’aide d’un semoir à disque.
Au terme de ces deux premières années d’essais, il s’est avéré que le semis direct n’a pas pénalisé le rendement. Selon les variétés testées, le taux de matière sèche par hectare variait de 13 à 20 t, moyenne identique aux parcelles voisines préparées en labour. Mais si les rendements obtenus en semis direct ont été satisfaisants, Laurent a constaté d’une année à l’autre des problèmes d’hétérogénéité des levées liés à la structure du sol. « À certains endroits de la parcelle, le passage avec l’épandeur à fumier en hiver a entraîné un tassement, créant une irrégularité de la structure du sol et rendant ainsi le semis direct plus compliqué à effectuer », explique-t-il. À la suite de ce constat, l’agriculteur a fait le choix de tester une nouvelle technique de semis. Il fabrique alors lui-même un prototype de semoir composé d’une fraise rotative, permettant un travail superficiel du rang. En 2016, sur un couvert détruit de féverole semé cette fois-ci en plein, Laurent réalise donc le semis de maïs en double rang sur une zone travaillée à 5 cm de profondeur (voir infographie et photo). « Travailler le rang a permis de sécuriser l’implantation. Satisfait de cette technique, je l’ai reconduite cette année sur mes 24 ha de maïs fourrage », explique-t-il.
Différences variétales
La vigueur au départ et les rendements de plusieurs variétés de maïs ont été comparés, et les différences variétales ont été significatives. En 2014, le poids des épis variait de 8,6 à 10,7 kg (pesée moyenne des échantillons), pour un poids des tiges de 12 à 19 kg, selon les variétés testées. L’année suivante, les chaleurs de juin ont impacté la croissance du maïs, avec des résultats plus ou moins similaires à 2014. En 2016 (rang travaillé), les situations d’excès d’eau ont engendré des pertes à la levée et des problèmes de fécondation pour certaines variétés (Coradi et Sympa), entraînant une baisse du rendement par hectare. Néanmoins, le poids des épis, lui, variait de 11,8 à 15,7 kg, pour un poids des tiges allant de 13,5 à 17,4 kg. « Malgré des conditions de semis médiocres en 2016, on s’est rendu compte que le rattrapage du maïs a été plus rapide qu’en technique classique, grâce à un meilleur enracinement, explique Denis Giessinger. Au final, bien qu’elles aient été confrontées à différents stress selon les années, certaines variétés (DKC 3640, Kroissant) se sont mieux adaptées aux TCS. »