Des arbres dans les champs ? Pour Jean-Marc Hordé, le déclencheur a été un financement de la région Picardie en 2008, celle-ci offrant alors les plants et leur plantation à des porteurs de projets d’agroforesterie, en plus d’un suivi technique assuré par le Centre régional de la propriété forestière (CRPF) et la chambre d’agriculture. « Amoureux des arbres, j’ai toujours été tenté par l’agroforesterie, mais c’était lourd à porter techniquement et financièrement », concède Jean-Marc. La plus-value liée à la vente du bois n’étant perçue que trente à cinquante ans après leur plantation, il fallait aussi que sa fille Dorothée, qui s’apprêtait à reprendre la ferme, soit d’accord pour assurer la charge de travail que représente l’entretien des arbres (lire l’encadré ci-dessous).
Se renseigner auprès des forestiers
Le choix de la parcelle et celui des essences à planter s’en sont suivis. « Nous avons planté 500 arbres sur 10 hectares dont j’étais propriétaire, explique Jean-Marc Hordé. La parcelle a été sélectionnée parce qu’elle est située entre un massif boisé et un fond de vallée avec un marais. Nous attendons des arbres qu’ils fassent un lien entre ces éléments naturels du paysage, et qu’ils améliorent le potentiel agronomique limité de cette parcelle, via la décomposition de leurs racines et feuilles dans le sol. »
Les essences ont été choisies avec l’aide du CRPF. Elles sont adaptées au sol argilo-calcaire de la parcelle, considéré comme difficile, avec une proportion importante de calcaire actif, qui insolubilise le fer et limite le développement de certains arbres. Au total, quatorze essences (1) ont été disposées en placettes (voir l’infographie). Les arbres sont espacés de 7 mètres, et la charge ne dépasse pas 50 arbres à l’hectare, ce qui permet d’être éligible aux mesures agroenvironnementales.
Broyer les débris de taille
Avant la plantation, une bande enherbée de ray-grass et dactyle a été semée sur 2,5 mètres de large. Son entretien nécessite une journée de travail par an, après les moissons, « avec une débrousailleuse pour couper les chardons et orties, avant qu’ils ne montent à graine, précise Jean-Marc Hordé. Certaines années, après un élagage qui a laissé au sol des branches de taille importante, je suis passé avec un broyeur. »
Neuf ans après la plantation des arbres, il est encore trop tôt pour dresser un bilan économique du projet : il faudra bien sûr attendre la vente des troncs. En revanche, la présence des arbres est très positive pour Jean-Marc et Dorothée Hordé, tant au niveau paysager qu’écologique. Si leur ombre commence tout juste à être portée sur les céréales, l’impact sur la faune est, lui, déjà visible. La fréquentation de la parcelle par du gibier a augmenté… avec des lapins gênants, quand ils ont causé des dégâts sur plusieurs jeunes cèdres. Ce gibier a, par ailleurs, attiré la convoitise de chasseurs, qui louent désormais la parcelle pour la chasse. La chambre d’agriculture, qui y réalise des suivis, estime que les arbres sont source de biodiversité, mais pas de salissement.
Le seul point noir lié à leur implantation, c’est l’évolution de la largeur des outils agricoles. « En 2008, l’écartement entre les bandes enherbées était adapté à mon matériel, explique Jean-Marc Hordé. Maintenant, les travaux agricoles sont réalisés par mon neveu, qui a des outils plus larges. De plus, heureusement, un voisin qui possède encore un pulvérisateur de 12 mètres accepte de faire le travail sur la parcelle. »
Pour s’affranchir de cette contrainte, si d’autres parcelles devaient accueillir des arbres, ce serait sur leur pourtour et pas en lignes. Dorothée et son père ont établi des plans, mais la mise en œuvre a été reportée à la suite des mauvaises moissons de 2016.
(1) Merisiers, poiriers, frênes, noyers hybrides, noyers noirs, ormes, cerisiers de Sainte-Lucie, tilleuls, érables champêtres, érables planes, hêtres, chênes pubescents, alisiers torminaux, cèdres.