«Mon objectif est de réaliser des résultats économiques et non des quintaux », lance Jean-Claude Guignard. Bien sûr, meilleurs seront les rendements, meilleur sera le résultat final. Mais cet agriculteur de cinquante-trois ans surveille de près ses coûts de production. Installé à Civray (Cher), dans la Champagne berrichonne, Jean-Claude fait sienne cette devise : « Les petits ruisseaux font les grandes rivières ». Il tente d’optimiser chaque poste : les charges opérationnelles, les charges de structure et la commercialisation. Pour l’achat des produits phyto, du fioul et de l’engrais, Jean-Claude s’est regroupé avec une quinzaine d’autres agriculteurs. Pour les traitements, il pratique le bas volume, davantage pour des raisons d’efficacité que pour des questions économiques. Avec 30 à 40 litres d’eau pour une demi-dose de fongicide, il passe sur les cultures à plus de 25 km/h. L’exploitant a opté pour des semences de ferme. Il les produit, sauf sur certaines cultures où il passe par le groupement. « Cette année, j’ai été obligé de me réapprovisionner en semence de sorgho. Mais il y avait 30 % d’écart entre le prix du groupement et celui de l’organisme stockeur ! » ajoute-t-il. Son point noir dans les charges opérationnelles reste le désherbage. Comme dans beaucoup de fermes du secteur, le ray-grass s’est installé malgré l’introduction de cultures de printemps, le décalage de la date de semis, et des désherbants à pleine dose. « Je ne peux plus baisser les charges en blé. Je vais essayer le désherbage mécanique », confie-t-il.
Location de matériel
Pour diminuer les charges de structure, en 2004, Jean-Claude a réuni son parc matériel avec celui d’une autre ferme. « Nous avons suivi une formation sur les groupements de matériel. Avec mon voisin et ses deux filles, nous avons mis un an à mûrir le projet. Une fois celui-ci lancé, ce n’est que du bonheur ! » juge-t-il.
Les agriculteurs montent une société de location de matériel, Locamat, et répartissent le capital au prorata de leurs surfaces : 600 ha d’un côté et 250 ha de l’autre. À la fin de l’année, Locamat envoie la facture aux exploitants. Au départ, tous les équipements ont été mis en commun, mais rapidement, chacun a repris son pulvérisateur. Peu à peu, les deux exploitations distantes de 2 à 20 km ont investi en commun dans du matériel. « Mon parc matériel était très vieux et usé, explique Jean-Claude. Avec Locamat, mes charges ont augmenté de 90 à 119 €/ha, sans labour, mais j’ai gagné en débit de chantier. Sans certains matériels, je n’aurais pas pu modifier mon assolement. » Deux des cinq tracteurs et une moissonneuse-batteuse sont en leasing, avec un contrat d’entretien. Ce système permet de connaître les coûts dans le temps, sans mauvaise surprise de panne. À titre d’exemple, pour un tracteur de 175 ch, pour 2 500 heures sur cinq ans, le coût est de 45 €/h. Mais selon Jean-Claude, Locamat est suréquipée. « La solution serait d’augmenter les surfaces en s’associant avec d’autres agriculteurs, confie-t-il. Mais il faut d’abord changer les mentalités… »
Marchés de niche
Face aux limites de l’optimisation des charges, Jean-Claude se penche sur la commercialisation. Son assolement se répartit, pour moitié, en cultures d’hiver et en cultures de printemps. Il dépend du type de sol, mais aussi du niveau de risque de la culture. « Je multiplie les cultures d’un point de vue agronomique, mais aussi pour sécuriser la trésorerie », explique le céréalier. Il fait appel à des courtiers, se regroupe avec d’autres agriculteurs (lire encadré) et investit dans du stockage pour garder la totalité de sa production. En 2016, il a fait construire un bâtiment à plat de 4 800 q, à 90 000 €. Malgré une moisson catastrophique et une perte de chiffre d’affaires de 30 %, Jean-Claude ne regrette pas cet investissement. Cette année, il a réussi à vendre ses pois d’hiver à 320 €/t, et son blé à 159 €/t. Pour piloter ses charges et sa commercialisation, l’agriculteur utilise un tableur Excel, mis au point par la FDGeda du Cher. « Cela prend du temps de rentrer toutes les données. Mais après, la prise de décision en cours de campagne est beaucoup plus rapide et plus juste ! » conclut Jean-Claude.