La sécheresse et la chaleur de cet été 2022 n’ont pas épargné les arbres. Malgré tout, ils ont paru mieux résister, en fournissant une ressource fourragère bienvenue. Chez Sophie et Emmanuel Hardy, éleveurs à Laigné (Mayenne), sont leurs 68 chèvres laitières qui en ont profité. Installé depuis une dizaine d’années sur 35 ha — dont 20 ha de prairies temporaires et 2,5 ha de permanentes — le couple dispose d’une ressource ligneuse importante avec 5 350 mètres linéaires (ml) de haies dont 3 600 demandent un entretien. Ses pratiques sont suivies par le Civam 53 (1), dans le cadre du programme Climat’Veg (lire l'encadré ci-dessous).
Trouver le bon compromis
De manière générale, les éleveurs qui utilisent des fourrages ligneux doivent trouver un compromis entre temps de travail et praticité. Emmanuel Hardy privilégie la technique dite de la rame au sol. Il dépose les branches qu’il vient de couper dans la parcelle. Plus rarement, du fait de la manutention induite, il lui arrive aussi de les distribuer à l’auge. Quelle que soit l’essence, les chèvres consomment aussi bien les feuilles que les jeunes branches avec bourgeons ou l’écorce.
Comparée au pâturage direct, cette pratique a l’avantage de protéger l’écorce des arbres. « Le seul bémol, c’est que je taille en hiver alors que c’est au printemps et l’été que j’ai besoin des ligneux pour compléter la ressource fourragère », analyse Emmanuel Hardy. Plutôt prudent, l’éleveur a tenté plusieurs pratiques à l'été 2022. Il a d’abord coupé à ras un noisetier ; mi-septembre, l’arbre paraissait avoir bien réagi mais il faudra attendre le printemps prochain pour en être assuré.
« Cet été, j’ai également fait passer les chèvres à deux reprises sur des frênes ; à un mois d’intervalle ». Entre temps, les feuilles avaient repoussé ; la pratique s’est avérée concluante. Combien de branches mettre à disposition des animaux ? Quelle est leur valeur alimentaire ? Ces questions, Didier Delanoë, à la tête d’un troupeau laitier à Châtelain (Mayenne), les partage avec Emmanuel Hardy et de très nombreux éleveurs. Egalement producteur de volailles pour la filière « Loué », il a cet été fait passer ses laitières dans les parcours tout en distribuant des branches et du foin. « Mais sans repère précis » regrette-t-il.
"Il n'y a que ça qui reste vert"
Dans les élevages suivis par la chambre d’Agriculture ou le réseau Civam, les arbres ou arbustes sont utilisées de manière complémentaire, tout en étant totalement intégrés au système fourrager. C’est en particulier le cas chez Mathieu Beliard, éleveur ovin à Rochefort-sur-Loire (Maine-et-Loire). A la tête d’une troupe de 200 brebis, il est installé sur 53 ha dont 8,5 ha de coteaux.
« Sur certaines parcelles, même un été sans épisode de fortes chaleurs, il n’y a que les arbres et les arbustes qui restent verts », observe l’éleveur. Très séchants, ces coteaux abritent notamment des genêts et des ronciers ; deux plantes riches en azote. Après un essai raté en 2018, Mathieu, formé à la démarche Patur’Ajuste (lire l'encadré ci-contre), a renoncé à y faire pâturer les agneaux à l’engraissement. Par contre, les deux lots de brebis y passent en hiver mais aussi au printemps et l’été.
A Villeneuve-en-Perseigne, dans le perche sarthois, Béatrice Cherier élève 30 limousines sur 24 ha de SAU. En zone Natura 2 000, l’exploitation compte 3 800 mètre linéaires de haies plantées d’ormes, de charmes, de chênes, de frênes et d’érables. Côté ressource fourragère, « les limousines s’intéressent à toutes les essences, sauf le chêne dont elles délaissent les feuilles » constate l’agricultrice.
En parallèle, Béatrice utilise le bois issu des haies comme litière depuis deux ans. « Sur l’exploitation, il n’y a pas de céréales, donc pas de paille, explique Béatrice Cherier. Jusqu'alors, je couvrais mes besoins par des achats extérieurs mais les prix ne cessant d’augmenter je me devais de trouver une solution ».
(1) Centre d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural.