Faut-il encore labourer ? Jérôme Labreuche, ingénieur de recherche chez Arvalis, suit la question de près. « Je m’occupe d’un essai de longue durée démarré en 1970, où l’on compare le labour, le semis direct et le travail superficiel. » Pour l’agronome, l’évolution des techniques de travail du sol ne doit pas faire oublier les avantages de cette pratique ancestrale, qui restent nombreux.

 

Premier point abordé, si passer la charrue provoque bien une dilution de la matière organique, labourer présente l’intérêt d'homogénéiser l’horizon travaillé. « En réalité, les différences de teneur en matière organique observées sur des parcelles travaillées différemment tiennent surtout aux entrées de biomasse. Il est tout à fait possible d’améliorer ce paramètre dans des parcelles labourées en jouant sur l’implantation de couverts végétaux, la fumure ou les apports extérieurs. »

Les parcelles labourées plus propres

La charrue est aussi un outil très efficace pour gérer les adventices. « Elle enfouit le stock semencier, confirme Jérôme Labreuche. Dans nos essais, on observe régulièrement des niveaux de salissures plus faibles en parcelles labourées. C’est particulièrement vrai concernant les graminées, car les graines ont une durée de vie plus courte. Le labour est un levier parmi d'autres : rotations des cultures, dates de semis… », nuance par ailleurs le chercheur.

Principal défaut du labour : des coûts de mécanisation souvent élevés, surtout en terres lourdes. « Le non-labour avant des cultures d'automne permet souvent de réussir des implantations très simplifiées qui, en comparaison, sont extrêmement économiques. C'est dans ces situations-là qu'on aura peut-être le plus intérêt à se passer de la charrue », souligne Jérôme Labreuche. Pour profiter au mieux des bénéfices, l’agronome conseille de ramener sa fréquence dans la rotation à trois ou quatre ans. « Attention aussi au temps de travail. Dans beaucoup d’exploitations, c’est un vrai facteur limitant. »

Conditions d’interventions : savoir faire des compromis

Les conditions d’intervention jouent un rôle déterminant dans la qualité du travail et les bénéfices générés. L’idéal reste un sol ressuyé et friable, ni trop sec, ni trop mouillé, mais en pratique, il faut souvent composer avec la météo et le calendrier. C’est le cas à l’automne, en amont des semis tardifs de blé. « En entrée d’hiver, le constat est similaire : il faut viser les meilleures fenêtres d’intervention possibles, tout en sachant faire des compromis en contexte plus humide », tempère l’expert. Le labour demeure pourtant un allié précieux dans certaines situations difficiles. « Parfois, c'est la seule technique qui permet de semer pour avoir une levée correcte par la suite. »