En ouverture de ce premier Carrefour de l’agrivoltaïsme, Daniel Bour, président d’Enerplan, syndicat des professionnels du solaire et organisateur de la journée, a rappelé qu’« un des objectifs est de créer un équilibre entre les besoins de l'agriculture et la compétitivité de la production d'énergie, afin de ne pas compromettre la rentabilité des projets agrivoltaïques ». Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine (FNO), a, quant à elle, mis en avant que « l'agrivoltaïsme offre des revenus supplémentaires aux agriculteurs, une opportunité, en particulier, dans les secteurs où ils sont faibles ». La FNO a, par ailleurs, élaboré une charte visant à garantir que les projets ne détournent pas les ressources agricoles et qu'ils respectent un cadre vertueux de coactivité.

Serge Zaka, agroclimatologue, soutient que « les pratiques agricoles futures devront s’aligner sur les réalités climatiques » alors que les événements météorologiques extrêmes affectent déjà fortement les rendements agricoles. Avec le changement climatique, les zones agricoles traditionnelles pourraient ne plus être adaptées, nécessitant une réévaluation des types de cultures et de leur localisation. « L’agrivoltaïsme offre alors un double avantage : production d’énergie et protection des cultures, soutenant la transition vers des systèmes agricoles plus durables. »

La première table ronde réunissait :

  • André Joffre, vice-président émérite Enerplan: « Le solaire est l’avenir de l’agriculture. La filière est compétitive et le sera de plus en plus. Le couple solaire-batterie va changer la donne. »
  • Etienne Prunes, agriculteur: « Le maire de la commune [Bioule, Tarn-et-Garonne] a porté le projet de la centrale solaire et ramené une activité agricole sur des terres en friche. Depuis 2021, des brebis pâturent en permanence sur une parcelle de 17 ha, détenue par sept propriétaires, sous des panneaux photovoltaïques installés et financés à 90 % par Neoen. »
  • Jérôme Mousset, directeur bioéconomie énergies renouvelables Ademe: « Il existe un réel engouement pour l’agrivoltaïsme : sur cinq régions (Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, PACA, Bourgogne-Franche-Comté, La Réunion), 1 600 projets ont été identifiés, pour 23 000 ha potentiellement concernés. » Une dynamique bienvenue face à « l’enjeu de décarboner notre économie et de renforcer notre indépendance énergétique. D’ici 25 ans, il faut remplacer quasiment toute l’énergie fossile par des énergies renouvelables. »
  • Olivier Dauger, administrateur FNSEA en charge des sujets climat, énergie et carbone, co-président de France Agrivoltaïsme: « Le projet énergétique apporte un plus, une stabilité. L’énergie, ce sont des contrats de 15 ou 20 ans. Pour autant, il ne faut pas abandonner le débat sur les prix alimentaires, parce que les agriculteurs accèdent à d’autres revenus. »
  • Christian Courtier, agriculteur: « Les solutions sont là. Pourtant, j’ai eu l’impression au démarrage d’avoir des bâtons dans les roues plutôt que le vent dans le dos. Maintenant que le décret est sorti, j’espère que cela va aller plus vite pour ne pas décourager les porteurs de projets. »

Dans sa présentation, Henri Landes, conférencier, enseignant à Sciences Po et HEC Paris, a, ensuite insisté sur le « triple défi écologique, de santé publique et de biodiversité, à relever et le fait que l’agrivoltaïsme est une pièce du puzzle. Il faut accélérer, aller le plus vite possible pour une transition agricole. »

La deuxième table ronde réunissait :

  • Florian Ferjoux, avocat du cabinet Gossement avocats, spécialisé en droit de l’environnement et de l’énergie : « Il doit exister un lien contractuel entre le développeur et l’agriculteur, qui portent une co-responsabilité dans le projet et partagent la valeur. »
  • Guillaume Lorisson, notaire à l’étude Legatis: « Un projet agrivoltaïque implique une mise à disposition du foncier, une co-exploitation - un seul espace, deux activités - à organiser juridiquement. Il serait judicieux de créer une nouvelle formule, qui accorde un droit pérenne à l’exploitant, concomitant au droit de l’énergéticien, le bail rural reprenant à la fin de l’exploitation. »
  • Vincent Dufau, chef de projet chez Acte Agri Plus: « Le projet de l’exploitant doit être le plus important. Le développeur porte un projet avec un agriculteur, qui est le plus légitime pour aller le porter devant la chambre d’agriculture. »
  • Hermine Durand, sous-directrice du système électrique et des énergies renouvelables au sein de la Direction Générale de l’Energie et du Climat : « A plusieurs administrations - agriculture, écologie - nous finalisons une instruction technique pour répondre aux questions qui se posent encore et nous l’accompagnerons d’une foire aux questions. »

La troisième table ronde réunissait :

  • Julien Fradin, ingénieur agronome à l’Institut de l’élevage, service eau, air et énergies: « Hauteurs minimales des panneaux, adaptation de la centrale à l’animal… nous avons pour objectif de construire des références. Un projet, c’est une production animale, liée à un territoire donc à des conditions pédoclimatiques, et une technologie, trois points à étudier. »
  • André Delpech, éleveur de moutons et en charge du dossier agrivoltaïque à la Fédération nationale ovine (FNO): « Les élus ne savent pas ce qu’est l’agrivoltaïsme ni ce qu’ils peuvent en tirer. Et si les agriculteurs s’impliquent, si les communes s’impliquent, les coopératives… avec toutes les complications que ça peut amener c’est vrai mais ça serait cohérent. »
  • Jean-Philippe Priarollo, responsable des activités Allium énergies et Terrena énergies: « L’agrivoltaïsme peut être un levier pour maintenir, voire développer l’élevage ovin, et transmettre les exploitations. Nous accompagnons les éleveurs jusqu’à l’obtention du permis de construire et avons noué un partenariat avec un énergéticien, Alterea, qui apporte l’expertise en matière d’énergie et les capitaux pour l’exploitation de la centrale. »
  • Blandine Thuel, fondatrice de ACTHUEL, cabinet d’accompagnement, stratégie et développement durable: « Le mot d’ordre est concertation. Il faut réussir à faire partager les enjeux à la population, faire évoluer le projet pour plus de valeur ajoutée sur le territoire. La concertation peut aboutir à l’ouverture à participation à la société de projet ou encore à la mise à disposition d’un véhicule électrique pour les habitants de la commune... »

Les discussions et réactions de la salle ont mis en lumière les points d’achoppement majeurs auxquels l’agrivoltaïsme doit faire face : la durée d’instruction des dossiers, le dimensionnement du réseau électrique, les délais de publication des textes règlementaires, mais aussi l’acceptabilité locale des projets… autant de défis à relever pour cette jeune filière.

Rendez-vous l’année prochaine pour poursuivre les discussions autour de ce sujet passionnant !

Vous trouverez sur la chaîne YouTube d’Enerplan le replay de toutes les interventions de la journée.