On ne vermifuge plus comme avant, soit en traitant tout le monde d’un coup… soit en ne traitant personne. Pourquoi ? Chacune de ces stratégies engendre des pertes ! Mais, si la gestion du parasitisme chez les bovins pâturant s’oriente vers une individualisation des traitements anthelmintiques, il faut apprendre à repérer les animaux à traiter.
Les traitements sélectifs ciblés, comme la méthode TRI, pour technique raisonnée individualisée, développée par le laboratoire Ceva, permettent d’identifier précisément quels animaux doivent faire l’objet d’un traitement contre les strongles intestinaux. Simple et fiable, celle-ci s’appuie, entre autres, sur l’observation des pics et des stades de lactation, données transmises par le contrôle laitier, ou le robot.
Des repères pour faire du tri dans le troupeau laitier
Premier principe : toutes les vaches à moins de 200 jours de lactation en fin de pâturage et ayant réalisé un pic de production laitière décevant par rapport aux animaux de la même classe d’âge doivent être vermifugées. On peut aussi faire le choix raisonné de donner un coup de pouce aux vaches laitières hautes productrices dont l’immunité est fortement mise à l’épreuve de même qu’aux primipares dont l’immunité n’est pas tout à fait opérante.
Une étude publiée, en 2018, par Nadine Ravinet, vétérinaire spécialiste du parasitisme, a mis en avant l’intérêt économique de la démarche pour ces individus avec un gain de 1 à 1,4 kg de lait/jour, selon le niveau de pâturage, pour les vaches ayant bénéficié d’un traitement. Le réseau vétérinaires et éleveurs de l’Ouest relève également un bénéfice économique post-traitement d’environ 40 %, en comparaison à une vermifugation systématique de l’ensemble du troupeau laitier.
Croissance et immunité, deux paramètres-clés
Concernant les génisses, le raisonnement s’appuie sur la surveillance de leur croissance. Un objectif de poids non-atteint ou une note d’état corporel dégradée justifient de vermifuger. En production allaitante, si on connait le GMQ, il faut traiter les veaux dont la croissance à l’herbe est décevante. Les animaux avec fort potentiel de croissance peuvent l’être aussi, leur système immunitaire étant davantage sollicité. En l'absence de pesée régulière, l’état visuel des animaux peut aider à faire un tri.
Autre critère de détermination, l’immunité, dont la construction est un objectif primordial pour tous les jeunes animaux. Pour atteindre un bon niveau d’immunité face aux parasites, le temps de contact effectif avec les larves de strongles présents dans les pâtures doit être au minimum de 8 mois, durée
de rémanence des traitements et périodes de sécheresse déduites. Lors de la rentrée à l’étable, veaux et génisses en retard de croissance et dont la construction immunitaire n’est pas achevée devront donc tous être vermifugés. Plusieurs formulations de vermifuges existent, seules certaines sont adaptées pour les traitements individuels. Parlez-en avec votre vétérinaire.
Jusqu’à 70 % d’économie sur les frais d’élevage
Opter pour une stratégie de traitements ciblés sélectifs présente de nombreux avantages. D’après l’étude de Nadine Ravinet, appliquer la méthode TRI revient à prendre en charge en moyenne seulement 30 % du troupeau. A la clé, une diminution des frais d’élevage sur ce poste pouvant aller
jusqu’à 70 %, et un gain de temps non négligeable. Traiter sélectivement et à la juste dose limite également le risque d’apparition de résistances et préserve l’efficacité de la seule molécule disponible en production laitière. Limiter l’émergence des résistances des vers aux vermifuges est primordial si l’on veut continuer à exploiter des pâturages durablement.
L’utilisation raisonnée des traitements antiparasitaires contribue par ailleurs à la conservation de la biodiversité des prairies. Traiter moins réduit les rejets de principes actifs dans les pâtures. Assurer la survie de la petite faune prairiale n’est pas anodine. Les coléoptères coprophages, responsables de la dégradation des bouses, sont en effet de précieux auxiliaires face à l’apparition de zones de refus.